Quatrième mission : Retrouver Rebecca.

Toujours décidé à s’évader de la Citadelle pour retrouver Rebecca à Dophemar, nous réfléchissons à un moyen d’y parvenir jusqu’à l’arrivé impromptu d’un elfe vêtu de noir. Il n’est pas très grand, plutôt mince voir peut-être un peu maigre, son teint pâle presque malade… Nul doute, il s’agit bien du pote à Fenyx. Le fameux « Ban » qui nous avait aidé pour les archives. Ce fichu elfe semble ne pas supporter le Soleil à en voir ses gans, son ombrelle noir et des lunettes aux verres teintés d’un violet très foncé. Pourquoi est-il encore là au juste ? A se mêler d’affaire qui ne le regarde pas ? Vient-il seulement parce qu’on embarque Fenyx avec nous ? Et comment il peut être au courant de quoi que se soit ? Je regarde Fenyx puis « Ban » avant de déclarer.

- Qu’est-ce que tu gagnes à nous aider ?

L’elfe affiche un air surprit avant de ricaner et rétorquer.

- Vous avez besoin de moi pour vous évader de la Citadelle non ? Il est aisé de deviner que vous voudriez rencontrer la personne pour qui tu t’es défoncé le crâne sur le bureau de réception de l’hôpital.

Donc je dois comprendre par-là que c’est uniquement par curiosité ? Mouai… Je vais sûrement lui devoir un truc ou bien il a autre chose en tête. Voyons ce qu’il propose déjà car si c’est encore un truc stupide je vais le bâillonner et le cacher quelque part où on ne risque pas de le trouver tout de suite.

- Je t’écoute. Fais-je en le fixant avec froideur.

Il affiche un grand sourire déjà triomphal avant de me répondre.

- On va tous simplement passer l’un des portails de l’Ordre pour aller directement à Dophemar. Grâce au professeur Wiskels je peux aller où je veux quand cela me chante. Cela fait parti de mes attributions au travail.

- Et si tu nous aides tu ne te feras pas gauler par ton prof’ par hasard ? Demande Halsim en haussant un cil.

Il fait comme simple réponse un petit ricanement quelque peu sinistre. Ce type est louche, je ne sais pas si on va l’emmener mais en même temps il a tout deviné et il pourrait nous mettre des bâtons dans les roues. De plus passer directement un portail vers Dophemar nous refait gagner du temps. Il faudrait juste le supporter en échange. De plus, c’est une solution où l’on aurait pas besoin d’user de violence pour y parvenir.

- Ok. Je prends mes affaires et on y va.

- Tu es sûr ? Me demande Halsim.

- Si on a la moit- la moin-dre la moindre autour loupe tu peux t’en occuper.

- Entourloupe cher confrère ! Et… Que veux-tu dire par-là ?

- Ton entourloupage va te coûter la vie si tu nous… Raaah… T’as compris.

Il me rit au nez en plus ce connard ! Ah… Je crois qu’après le portail on va l’abandonner dans un coin. En passant la porte de ma chambre où je planque mes armes, je tombe nez à nez avec un autre boulet aux cheveux rouge.

- Véronica ! Dis-je en serrant les dents.

- Oups ! Fait-elle avec je ne sais quoi dans les mains. Tu ne devais pas rentré tout de suite Tyty ! C’est pas juste !

- Qu’est-ce que tu fais dans ma chambre ?! Et comment tu es rentrée ?!

- Ce n’est pas ta pauvre porte verrouillée qui peur m’arrêter huhuhu ! Ce que tu peux être naïf !

Mais pourtant j’ai bien dû la déverrouiller pour entrer alors comment ? Pffft’… Peut importe ! Je vais la dégager de là vite fait ! Je lui empoigne le bras pour la sortir de ma chambre et la tire vers la sortie. Qu’- ! Qu’est-ce que quoi ?! Plutôt que d’opposer la moindre résistance elle s’est jetée sur moi et m’a embrassé le cou ! Peuh ! Je la bouscule violemment contre le mur mais quelque chose me fais avancer vers elle alors qu’elle se voit projeter. Comme un lien invisible. Qu’est-ce que… ?

- Beurk… ! Fait-elle. Ah ! Comment oses-tu me faire ça ?! Tu es vraiment qu’une brute sans cervelle ! C’était dégoûtant ! Mais…

Elle réussit à me faire avancer en tirant quelque chose dans le vide. Qu’est-ce que… Pourquoi ça tire sur mon cou ? Qu’est-ce qu’elle m’a fait cette sorcière ?! Hein ? Je le vois à présent ! Une chaîne reliée à mon cou ?! Pourquoi je parviens à le voir seulement maintenant ?! Et sur son poignée l’autre bout de la chaîne !

- Ah ! Alors cela s’est bien matérialisé ! Parfait ! Bon… J’aurai voulu le faire sur quelqu’un d’autre mais puisque tu étais disposé à me violenter alors se sera toi mon esclave. Tu ne peux pas te défaire de ses chaînes, elles ne sont pas vraiment fait de métal. Je ne sais pas ce que tu as prévu de faire avec ta cruche de copine mais tu vas devoir tout laisser pour moi.

Alors là même pas en rêve. Pourtant je ne parviens pas à toucher la chaîne alors que cette connasse le peut ! Comment elle a fait ? Et pourquoi ?! Halsim sort ses lames.

- Non, si on la tue l’Ordre sera notre ennemi. Dis-je en Arcaëllien à Halsim.

Esteban examine la chaîne avec intérêt.

- Quel étonnant procédé ! Par contre ce n’est pas très stable. Dites-moi mademoiselle, pourriez-vous le libérer ? Nous avons affaire ailleurs alors vous reprendrez vos jeux étranges une autre fois hum ?

- Hein ?

Véronica, à la vue de l’elfe semble… Je ne sais pas… Elle le fixe avec de grands yeux puis après un bref moment où sa petite tête de tarée a arrêtée de fonctionner celle-ci rougit.

- C’est que… C’est que je n’ai pas encore inventé le moyen de le faire disparaître !

- Ah ? Fait Esteban en ricanant. C’est bête car la chose est tellement instable qu’elle peut exploser à tout moment. Emportant la tête de mon compagnon et votre bras.

QUOI?!! Il est sérieux ?!! Mais je vais me la faire cette truie !!

- Quoi ???!!! Fait-elle en même temps que moi dans ma tête. Mais… Mais je ne sais vraiment comment comment l’enlever ! Mon bras !!

Et ma tête alors ? Elle, elle risque de perdre un bras mais moi carrément la vie ! Putain… J’étais si proche de partir pour retrouver Rebecca et il a fallu que cette salope gâche tout. J’ai envie de la tuer. Raaah… Tyr reprend-toi. Que ferait Wraith ? Non… Lui irait sûrement voir Amos et l’on ne pourrait plus partir. Plutôt… Que ferait… Raaah… Je ne sais pas. Que… Qu’est-ce qu’on fait ? Bon. Plus le choix.

- Halsim, aide-moi à la bâillonner, on l’a met dans le sac à la place des armes et on part avec.

Tous me regarde avec surprise. Un blanc s’installe avant l’intervention de Véronica.

- Mais ! J’ai pas envie d’aller avec vous ! Je ne sais même pas où vous allez et j’m’en fiche !

- Il aurait fallut y penser avant mademoiselle. Fait remarquer Esteban.

Finalement, on participe tous à sa capture et on l’emballe avant de l’enfourner dans le sac à la place de la lance et la hache. Je mets juste le baudrier et six dagues de lancé d'acier enchanté sur moi. Une fois fait je la prends sur mon dos.

- Tu es sûr que ça ira ? Me demande Fenyx.

- Oui. Fais-je.

- Non mais pas pour transporter Véroniconasse, pour… Euh…

Je réfléchis un instant mais l’on se fait interrompre par le rire non contrôlé d’Esteban.

- Oh pardon ! J’aurai dû vous faire un signe pour vous dire que ce n’était pas vrai. C’était juste pour l’obliger à défaire son sort. Cela dit c’est vraiment un truc instable mais pas de panique, lorsqu’elle sera fatiguée cela devrait disparaître.

Il est sérieux ?!!

- Allons-y !

Halsim croisa les bras et sembla passablement excédée. Elle finit par dire :

« Sérieusement ? Non mais… Vous voulez pas que je les mette tous les deux dans le sac et que je les balance à la mer ?
- Non, Halsim, Esteban est mon ami, et on ne va pas se débarrasser d’eux comme on se débarrasse de bébés chatons. Ceux qui font ça sont des monstres ! D’accord ? Les midgardiens comme Veroniconnasse, bon… ça passe encore… Mais pas les chatons ! »

L’assassine regarda Fenyx de travers, elle avait vraiment un sens très étrange de la moralité à ses yeux. Pourquoi pas des bébés chatons ? Ça ne valait pas plus qu’un midgardien. Halsim préféra cependant ne pas relever, histoire de ne pas perdre d’avantage de temps.

« Bon aller, Ban ! Faut que tu nous fasses sortir d’ici avant que Cassandre nous tombe dessus et remarque qu’on est en train de faire un enlèvement ! Comment on va faire d’ailleurs pour la porter sans que ça se voit ? C’est qu’elle pèse quand même son poids, la p’tit mago ! »

Tyr se saisit du sac où se trouvait Veronica et le jeta sur son épaule comme un sac à patates.

« C’est bon.
Putain ! Tyr ! T’en as des biscottos ! » avoua Fenyx avec admiration, légèrement rougissante.
« Ah ah ! Au lieu de fantasmer sur les muscles de ton ami, Fenyx, tu ferais mieux de regarder la réalité en face, c’est que le sac a vachement la forme d’un être humain quand même ! » fit remarquer Esteban avec amusement.
« Hein ? Quoi ? Mais non ! Je fantasme rien du tout ! Arrête !! » répondit Fenyx en rougissant encore plus et en frappant Esteban à l’épaule.
« Zebi… On arrivera jamais à sortir comme ça… » soupira Halsim.
« Zebi ? » s’étonna Esteban avant de rire aux larmes. « Alors ça, de votre part, je m’y attendais pas ! Mais ne vous inquiétez pas ! J’ai plus d’un tour dans mon… sac ! Ah ah ! »

Halsim regarda l’elfe de travers et se retint de le cogner très fort.

« Encore une blague comme ça, et tu rejoins l’autre dans le sac et je vous balance tous les deux à la flotte ! » menaça Halsim, visiblement excédée.
« Hééé ! Je suis encore accroché à Veronica, moi… » lui rappela Tyr.
« Raaaaah ! Très bien ! Et c’est quoi ton idée, monsieur le gros malin ? » vociféra Halsim en se tournant vers Esteban.
« Un simple tour d’illusion. Vous verrez ! Allons-y ! Ne traînons pas ! » déclara Esteban, toujours avec son air facétieux.

Tout le monde se regarda avec interrogation. Personne ne savait ce que racontait Esteban mais ils n’avaient pas d’autre choix que de lui faire confiance, sans quoi, ils ne sortiraient jamais de la Citadelle. La première fois que le groupe croisa une patrouille de gardes, Fenyx, Halsim et Tyr se tendirent, craignant que ces derniers ne remarque la forme de Veronica dans le sac… mais rien. En vérité, il semblait que les soldats de l’Ordre n’aient rien remarqué. Ils passèrent leur chemin sans faire attention à eux.

« J’ai cru que ça ne passerait pas… » soupira Fenyx.
« Ne t’en fais pas, Fenyx. Je te l’ai dit. Un petit sort d’illusion, et tout le monde n’y voit que du feu ! » assura Esteban.

Pourtant, Fenyx n’était toujours pas tranquille, et ce fut encore pire lorsqu’ils arrivèrent au hall des portails. Comment allait s’y prendre Esteban pour convaincre les gardes de tous les laisser passer par le portail et rejoindre Dophemar ? N’allaient-ils pas vouloir fouiller le sac ? Plus l’élémentaire y songeait, plus cela lui paraissait improbable.

« Esteban ! Comment on va faire pour… » commença Fenyx qui se fit interrompre par l’index d’Esteban qui se posa sur ses lèvres.
« Chuuuuuuuuuuuuut ! Fais moi confiance, Fenyx. Tout se passera bien, tu verras. » assura l’elfe.

Le jeune membre des renseignements se présenta devant le service d’admission et commença à expliquer aux gardes qu’il était en mission pour Dophemar, accompagné de son équipe. Il présenta un parchemin qui était des plus officiels. L’employé vérifia que tout soit en ordre, fixa un instant le sac sur l’épaule de Tyr d’un air vaguement suspicieux avant de déclarer.

« Hum… C’est bon, vous pouvez passer ! Bon courage à vous ! »

Il les laissa passer à la surprise générale. Pas de fouille du sac ? Pas de demande particulière de document pour eux ? Rien de tout ça ? Halsim, Fenyx et Tyr échangèrent quelques regards ahuris avant de suivre Esteban sans trop comprendre comment il s’y était pris. Il venait de signer le registre des admissions quatre fois, sans que cela ne paraisse suspect aux yeux de l’administrateur. Ils passèrent ensuite les portes, et franchirent ensuite le portail qui allait les mener à l’antenne de l’Ordre, au sein de Dophemar. Tout se passa exactement comme prévu. A leur arrivée de l’autre côté, on les laissa passer sans poser de question, et il y eut un simple contrôle de routine avant qu’ils ne puissent quitter les lieux.

Une fois à l’extérieur, dans les rues de Wasterdamm, Fenyx soupira de soulagement tandis qu’Esteban affichait un grand sourire.

« Tu vois ? Je te l’avais bien dit. Aucun problème !
- Mais comment ?
- Oh, juste une suggestion de l’esprit. Rien de bien méchant. Comme je te l’ai dit, il me suffit d’user d’un peu de ma magie, et les gens ne voient ce qu’ils veulent bien voir, et ce que je leur permet de voir ! Hé hé hé !
- T’es une sacrée fourbasse toi, quand même ! Mais j’t’aime bien, Ban ! » déclara Fenyx avec un grand sourire.
« Bien ! Par où se trouve la suite de notre périple ?
- On va trouver un attelage et des chevaux, histoire de transporter tout ce petit monde jusqu’à l’endroit qui nous intéresse. » expliqua Halsim. « On n’est pas à côté, mais avec des chevaux, ça devrait pas être trop long.
- Ouais, ça serait bien que Tyr n’ait pas à faire toute la route avec Veroniconnasse sur l’épaule. C’est qu’il en a des jolis muscles bien puissants, mais ça m’étonnerait qu’il tienne jusque là-bas ! » déclara Fenyx.
« Fais gaffe, tu rougis ! » plaisanta Esteban.
« QUOI ??? NON !!! C’est faux !!! Arrête ça !!! »

Tyr soupira… La route allait être longue.

Halsim nous trouve un attelage assez rapidement, elle négocie les prix, vérifie notre emprunt, s’assure que tout est en règle puis une fois fait nous pouvons choisir nos chevaux. On a l’impression qu’elle est ici depuis toujours ! Elle parle super bien, adopte les mêmes comportements que les Midgardiens, a le sens des affaires et des priorités. Bref, de tous mes compagnons c’est tout de même la plus efficace. Bon, l’autre elfe nous a quand-même fait sortir sans embûche c’est vrai mais faut avouer qu’on se traîne de sacrés boulets… . Enfin surtout Veronica qui est comme… Comme verrue. Elle est là sans invitation, t’apporte que des problèmes et pour t’en débarrasser t’en chie beaucoup. Je la dépose nonchalamment sur l’attelage et me mets sur le cheval qui le traîne car à cause de la chaîne je ne peux malheureusement pas être loin d’elle. N’empèche… Qu’est-ce qu’elle foutait dans ma piaule? Je la cuisinerais plus tard. Je ne suis pas super à l’aise avec une bourrique, les animaux ce n’est pas mon truc. Et à présent que je suis sur l’un d’eux, je me sens un peu perdu. On a bien eu des formations par l’Ordre mais j’ai pour habitude de faire tout à pieds. C’est vraiment pas mon truc les chevaux. Halsim semble pour sa part bien professionnelle et Esteban semble lui aussi parfaitement les monter. Fenyx semble s’y faire, sûrement dû à ses entraînements avec l’Ordre.

- Eh dites… Qu’est-ce que vous transportez ? Me demande le bailleur avec un regard suspicieux sur le sac qui se met à bouger.

- Oh ! Sa… Prime ! Intervient Ban. Il a capturé une dangereuse criminelle et on a du chemin à parcourir avant de la faire juger.

- Ah ? Mais qui est-ce ? Et qu’est-ce qu’elle a fait ?

- Aaaah on tient à conserver son anonymat et aussi, on ne peut pas qu’elle sache où elle se trouve ni qu’elle tente quelque chose pour s’échapper. Elle a un pouvoir basé sur le contrôle mental au regard. Cette petite peste est une pro’ en arnaque, mon équipe et moi-même sommes escortes et en charge de la faire juger à notre destination mais cela doit rester secret. Je compte bien sûr sur votre discrétion.

L’humain semble avoir avaler l’histoire et sans trop réfléchir et voyant qu’il détient-là des « informations », il hoche la tête en avant.

- Oh oui, oui, oui ! Je comprends ! Comptez sur moi hein ! Et vous allez où ?

- Oh ça, c’est un motus et bouche cousu, nous n’avons pas le droit de le dire.

Motus ?

- Ah ouai d’accord !

Il semble impressionné et ravit d’être dans la confidence. Je ne pensais pas que ce bobard marcherait. Mais au moins, je peux balader l’autre pouffe tranquille. Nous partons et je copie les mouvements d’Halsim pour réviser un peu comment on fait avancer ces bêtes. Je jette des coups d’œil derrière-moi et voit qu’elle tente de fuir en se démenant comme une chenille à peine nous sommes sortie de Dophemar pour les lieux de fouilles où l’on pourrait trouver Rebecca. Je descends du cheval et pose lourdement mon pieds sur ce que je pense être son dos. Je m’abaisse pour qu’elle puisse m’entendre.

- Hé ! Si tu bouges encore je t’assomme et je te jette dans la première rivière que je croise.

Elle ne bouge plus, je la remets sur l’attelage et l’attache avec des accroches pour bagage au cas où. Nous reprenons ensuite le chemin et pour passer le temps Fenyx et Esteban discutent de choses et d’autres qui me sont d’aucune importance. Je perçois juste que Ban semble avoir beaucoup de connaissances géographique, il a dû beaucoup voyager. Il n’a pas d’accent particulier et prends celui du lieu où nous nous trouvons, comme avec le type à Dophemar.

- Tu viens d’où Esteban ? Finissais-je par dire.

Fenyx et lui me regardèrent avec surprise. Ils arrêtèrent leur conversation et Ban me sourit avec un air mystérieux.

- Hum… Comme on n’a théoriquement pas le droit de te poser ce genre de question alors je me réserve pour lorsque tu voudras en parler.

Tsss’… Ce qu’il peut être chiant ! Comment Fenyx peut l’apprécier autant ?

- Et ça veut dire quoi « Motus » ?

Ban s’étonne et ricane.

- Oh tu as retenu ce mot tout à l’heure ! Bravo ! C’est une expression de Franc, comme Dophemar et Franckriech sont très proches alors il a pu comprendre mon expression « Motus et bouche cousue ». Le terme « motus », pourrait être perçu comme un héritage du vieux Franc, mais cette première impression serait trompeuse. En vérité, c’est une subtile « franckisation », une forme plaisante et faussement savante de « mot », et la contraction de la formule « pas un mot ! ». Motus est donc un mélange entre le Midgardien classique et le vieux Franc.

- Ouah ! T’en sais des choses sur les langues ! S’écrit Fenyx. Comme tout à l’heure là ! Quand Halsim a dit… Euh… C’était quoi déjà ? Zerbi ?

- Zebi. Reprend Ban. Qui veut dire simplement « merde » en Urukéen.

Fenyx est impressionnée, moi je me demande comment il connait autant de langue. Il semble aussi jeune que Fenyx et moi. Mais les elfes leur apparences étaient trompeur à Arca’ alors peut-être qu’ici aussi il est difficile de savoir leur âge ? Et quelque chose me dit qu’il ne va pas vouloir me répondre si je lui pose la question.

Un peu lassée par les discussions de linguistique avec son ami Esteban, mais également de la longueur du voyage qui les attendait, Fenyx, un peu comme un enfant impatient d’en arriver au bout, posa la fatidique question qui fâche :

« Dites, vous savez pour combien de temps encore on en a de voyage ? »
« On devrait y arriver d’ici ce soir… » déclara Halsim avec un léger agacement dans la voix.

Halsim était en tête de cortège, visiblement déterminée à retrouver Rebecca le plus vite possible. Elle avait l’air de forte mauvaise humeur, plus qu’à l’accoutumé en tout cas. Fenyx, qui était de nature plutôt curieuse, et qui n’aimait pas trop voir ses compagnons ruminer, s’approcha d’elle en faisait trotter son cheval légèrement plus vite. Elle voyait là l’opportunité d’occuper le long voyage qui se dessinait devant eux, en discutant un peu. Il serait bon d’en apprendre plus sur elle, sur Rebecca, voir peut-être même sur Tyr et ce qu’il fut autrefois. De plus, l’élémentaire sentait que l’assassine redoutait quelque peu leur rencontre avec la jeune femme du nom d’Aurore, car il se pourrait qu’elle ne les reconnaisse tout simplement pas et que tout cela soit en vain. Elle ne pouvait qu’imaginer à quel point cette révélation pourrait être douloureuse.

« Tu as peur de vos retrouvailles avec Rebecca, hein ? » demanda Fenyx sans trop de détour.
« Mêle-toi de tes affaires… » rétorqua froidement Halsim.

La jeune Elénienne fronça les sourcils, fâchée d’une réponse aussi crue et abrupte. Elle ne lui avait rien fait pourtant, ce n’était pas juste ce comportement à son égard et s’il y a bien une chose dont Fenyx avait horreur, c’était de l’injustice. La jeune recrue sentit la colère monter en elle mais se contint d’exploser de rage, évitant par la même occasion de mettre le feu à sa monture et à tout ce qui l’entourait. Cependant, sa langue, elle, resta acérée et elle rétorqua avec véhémence :

« Hé ! Ne me parle pas comme ça ! Je ne t’ai rien fait de mal ! Je veux simplement comprendre.
- Tu n’as pas besoin de comprendre. Je te tolère parce que Tyr semble te faire confiance pour nous accompagner, mais c’est tout ! Nous n’avons pas à être proche ou a bien nous entendre. Je n’en ai pas envie de toutes façons.
- Franchement, mais quel caractère de merde ! » déclara tout haut Fenyx. « Tu pourrais au moins faire preuve de bonne volonté, non ? Ça ne te coûterait rien, tu sais ?
- Si, ma salive ! Et je n’ai pas envie d’en user pour toi ! Laisse-moi tranquille, maintenant ! » grogna Halsim qui se mit à tapoter nerveusement le pommeau de la dague accrochée à sa ceinture.

Fenyx fit la moue et abandonna. Elle n’en tirerait rien, cette femme avait un sale caractère en plus d’être une meurtrière sans cœur. Tout ce qu’elle allait faire, c’était de se mettre en colère et foutre le feu à tout ce qu’elle toucherait. Autant ne pas perdre son temps avec cette foutue assassine. C’était tout de même dommage, car elle aurait aimé pouvoir discuter entre femmes, cela aurait pu améliorer ses liens avec l’assassine, et avec Tyr au passage. Il était cependant impossible, d’en son état actuel, d’échanger sereinement. L’élémentaire regagna l’arrière du convoi et se tourna vers Tyr avec l’espoir que lui ne l’enverrait pas bouler.

« Ton amie a vraiment un sale caractère… J’espère que ta Rebecca n’est pas comme ça, elle. Tu n’en parles jamais vraiment, d’ailleurs… Comment est-elle ? Je veux dire… Son caractère ? Sa manière d’être ? » demanda l’élémentaire avec espoir.

Je fixe Fenyx du moment où elle s’est approchée d’Halsim, lorsqu’elle se fait chasser par cette dernière et jusqu’à ce qu’elle arrive à mon niveau avec un visage quelque peu en colère mais aussi déconcerté. Halsim est un peu comme j’étais, très difficile à approcher et surtout à s’y familiariser. Si je le suis toujours un peu, elle par contre n’a pas changé. Sa langue toujours aussi acérée et un mordant légendaire. Cependant, je le vois en elle, Halsim est préoccupée. D’où sa patience limité d’ailleurs pour les interactions comme ce que demande Fenyx. Je mets un court instant avant de laisser sortir mes mots, réfléchissant à ce que je peux bien lui dire concernant Rebecca. Une personne qui peut-être n’existe plus. Comme un mirage que l’on trouverait au bout du chemin. Une quête semblant veine et qui alourdi un moral déjà bien assez bas.

- On n’est pas sûr de retrouver la personne que l’on souhaite là-bas. Dis-je d’un ton plutôt bas et grave. Je ne sais pas si je dois m’exprimer d’elle au passé ou bien au présent. On ne sait ce que l’on va retrouver une fois que l’on sera en-face d’elle. D’Aurore. Une inconnue ? Ou Rebecca ? Ou bien un mirage ?

Je laisse la question en suspend, serrant ma prise et me tendant de tous mon corps. La situation nous laisse Halsim et moi dans le plus grand des tracas. Et rien, pas même une gentillesse de Fenyx ne dénoue ce qui se tords dans nos estomacs et nos cous.

- On ne peut pas te la décrire pour le moment.

Parce que nos pensées, nos esprits sont assaillit de souvenirs d’elle. On ne peut pas s’empêcher de se demander si elle est encore cette petite casse-pieds qui ne nous laissait jamais tranquille. Si son esprit est encore remplis de positivisme affligeant et si son sourire et sa bonne humeur est toujours présente. Si elle cache encore parfois avec son sourire sa tristesse enfouis dans ses pensées. Si elle est toujours sensible et pleurnicharde. Courageuse mais assurément faible. Et si enfin malgré toutes nos disputes, tous les mots méchants qu’on lui a pu lui dire dans le passé, on lui manquerait. Même un tout petit peu. Ou bien si elle nous a carrément oublié. Que les moments tristes ou bien heureux lui sont rayés de sa mémoire. Si de nous elle en a plus aucun souvenir. Que nous sommes redevenus entre elle et nous des étrangers. Que nous allons plus la faire souffrir de notre présence qu’autre chose. Qu’elle sache que l’on est pas aussi bien qu’elle. Qu’elle ne veuille pas de notre présence dans sa nouvelle vie cela tous cela n’aurait aucune importance. Qu’on redeviennent tous les trois des étrangers. Ce temps n’existe plus et le mirage d’une vie où l’on pourrait de nouveau être ensemble s’estompe. Pouvoir être de nouveau heureux ensemble a de grande chance d’être un mirage.

- On ne peut pas savoir comment est votre Rebecca mais on peut savoir des choses sur Aurore. Déclare tout à coup Esteban d’un ton assuré en sortant un dossiers avec des feuilles détâchées les unes des autres. Cette jeune femme du nom d’Aurore Belmont est la petite fille adoptée de Joseph Belmont, grand archéologue de son temps et explorateur encore vivant. Hummm… Elle est membre et récemment cheffe de la guilde de la main d’Argent. Oh bizarre comme nom ! Et hum… Joseph en fait partie ainsi que quelques membres. Une petite guilde en sommes ! Et… Hum… Elle y est décrit comme une jeune femme blonde aux yeux vert ou bleu selon les auteurs qui ne sont pas toujours d’accord. La peau blanche, petite et fine et ha ! C’est une mage ! Qu’est-ce qu’il y a d’autre ? Elle laisse de plutôt bonnes impressions d’après ceux avec qui elle a travaillé.

- Ban ! S’exclame Fenyx. Mais ! T’as carrément sorti les dossiers des archives ?!

- Hum ? Non ça j’ai demandé à Myr mais il était contre. Cependant il m’a accordé le fait de recopier ce qui m’intéresse et de me relire avant de pouvoir quitter les archives avec. Là je vous relisait des notes prises un peu ci et là. Oh et elle et sa guilde sont tous célibataire, jeune sauf Joseph et en pleine santé. J’ai pensé qu’un peu de contexte en tête nous aiderait pour les retrouver et les appréhender.

Halsim s’était soudainement stoppée dans son avancée. Son oreille avait perçu la conversation que les trois autres échangeaient dans son dos. Elle soupira d’agacement et tourna son regard froid et incisif vers eux.

« Ça ne sert à rien d’en parler. On ne pourra en avoir le cœur net qu’une fois face à elle.
- Tiens, tu nous prêtes ton attention, maintenant ? » ironisa Fenyx avec une pointe de mauvaise humeur.
« Vous jacassez trop…
- N’empêche que c’est raccord tout ce qui est dans ces rapports ! » fit remarquer Fenyx. « Ça ressemble pas mal à ce que vous en décriviez d’elle. Si ça se trouve, il suffira que vous vous pointiez devant elle pour qu’elle se rappelle de vous. Aller, quoi ! C’était pas un truc du genre une sorte de sœur, pour toi, Tyr ? Tu crois pas que ta présence à toi va pas lui remémorer un truc ?
- Ça m’étonnerait beaucoup. Il n’avait pas du tout cette tête là, avant, dans notre monde. Tyr était un jeune lorcq à la peau pâle et aux cheveux roux, avec des cicatrices un peu partout… Rien à voir avec son apparence actuelle. Elle ne le reconnaîtra pas comme ça. » expliqua Halsim.

Fenyx regarda Tyr avec de grands yeux ronds ouverts. Elle n’en croyait pas ses oreilles. Alors comme ça, son apparence actuelle était complètement différente de celle qu’il avait avant ? Et il avait été ROUX ???

« QUOI ??? Mais… Oooooooooh !!! Tyr ! Mais en fait, t’es un roux dans l’âme ! On était destinés à se rencontrer ! T’es mon frère de rousseur !!! » s’exclama Fenyx avec entrain.
« Mais qu’est-ce que tu racontes ? Un frère de rousseur… L’Ordre engage vraiment n’importe qui… » soupira Halsim.
« Faut que tu redeviennes roux, Tyr ! Comme ça Aurore pourra te reconnaître plus facilement ! Je suis sûre qu’on pourrait trouver une potion pour te donner des cheveux roux ! Si ça se trouve, miss casse-pied à ça dans ses trucs magiques !

Tyr dévisagea Fenyx avec ennui et soupira d’un air passablement blasé.

« J’aime pas le roux… en plus ça n’irait pas avec ma tête actuelle. »

Les yeux de Fenyx se révulsèrent alors que son visage était figé dans une expression d’horreur. Tyr continua cependant son explication comme si de rien était.

« Et puis l’autre fouine n’avait pas son sac de trucs magiques quand on l’a… embarquée.
- T’ai… t’aime pas… le roux… Ah… » ne pus que répondre Fenyx qui était toujours aussi choquée.

Elle semblait au bord du désespoir à présent. Elle se sentait trahie au plus profond d’elle même. Cela voulait dire que Tyr n’aimait pas sa couleur de cheveux ? Elle était si déçue qu’elle avait les larmes aux yeux.

« Tu n’aimes pas mes cheveux ? » pleurnicha-t-elle
« Oh oh… Je crois que tu l’as vexée, Tyr. » fit remarquer Esteban avec un petit sourire qu’il essayait tant bien que mal de dissimuler.
« Tyr aime pas ma rousseuuuur ! » désespéra la jeune élenienne.
« Oh, pitié… » soupira Halsim.

Pourquoi ceci lui importe tant ? Puis j’ai jamais dis que j’aimais pas ses cheveux ! Je me suis même jamais posé la question. Ce que j’aime de Fenyx ? Euh… Je ne sais pas. Il n’y a vraiment rien en particulier. Je n’ai même pas de mot de gentil pour qu’elle cesse de jacasser comme dirait Halsim. Si ma tronche a été changé à ma demande ce n’est pas pour rien. Je n’allais pas garder cette gueule que j’avais. Et les cicatrices. J’imagine déjà cette tronche plus grande. Adulte même. Mon ex-père mais en moins poivrot. Genre j’aurai pas les dents jaunes, le bord des yeux rougis, la face d’homard et les yeux creusées violacées. Et peut-être aussi pas son nez cassé qui partait sur le côté, ça faisait une bosse. Il était dégueulasse. Et je lui ressemblait. Sans tous ça. Quoi que pour le nez j’aurai pu mais Wraith est un excellent guérisseur. Lui se soignait à coup d’alcool et de toubib local qu’il menaçait au passage. Même pas foutu de garder en vie la moindre personne séquestrée qui lui servait à quelque chose. Non, cette rousseur-là et cette tronche je ne pouvais plus la blairer. Ce changement radical est un magnifique cadeau de Wraith, mon père actuel.

- Au fait, qu’es-ce qu’un Lorcq ? Une espèce que l’on peut aussi trouver ici ? Questionne Esteban.

- Non. Fais-je. Un Lorcq est un hu-ma-no-ïde hum… Oui c’est ça, un huma-noïde, qui ressemblait aux humains mais en plus grand et plus costaud. Avec grande capacité de force et excellent combattant. Impossible d’user de magie mais compensant avec le fait qu’il peuvent enfin… Pou-pouvait aspirer celle des autres pour transformer en énergie.

- Ouah… Et donc tu étais une sorte de… Vampire à énergie ? Intéressant.

- Vampire ?

- Oh ! Vous n’aviez pas ça ? Des suceurs de sang immortel ?

- Non. Un Lorcq pouvait vivre près de cinq cent ans. Mais c’était rare car on peut mourir pour la guerre ou bien consumé par l’ivresse de l’énergie volé aux autres.

- Ouah… Et… Du coup… Comment tu as fais pour… Eh bien pour être tel que tu es ainsi ?

Je mets un moment avant de répondre, grommelant un peu.

- J’ai plus envie de parler de ça. Vous en savez déjà bien assez. Contentez-vous de ça et arrêtez de…

Je sens soudain le sac s’agiter à l’arrière. Miss casses-couilles gigote alors je décide de m’arrêter. Je descends du cheval puis va voir pourquoi elle s’agite alors que je lui ai bien dit que j’allais la noyer si elle continuait. En la regardant en ouvrant la sac je la vois s’agiter comme une anguille en voulant parler. Je lui retire le haillon.

- Quoi ?!

- Je vais me pisser dessus !! Hurle-t-elle en claquant des genoux.

Je fais un long soupir puis la prend du sac avant de la déposer derrière un arbre.

- Fait vite.

- Mais je suis attachée ! Et j’ai mal partout ! Et j’ai faim aussi !

Je soupir fortement.

- Putain t’es pas mon clebs alors tu te magne où je te laisse te pisser dessus !

- C’est ta faute ! Tu es le pire des tortionnaires ! Et puis tu es où là ? Devant-moi espèce de pervers ?!

- Tu peux bien être à poil que je m’en fouterais.

Je la plaque contre l’arbre puis lui enlève sa jupe et son collant avant de la faire se plier en la prenant par le cou.

- Pisse et tais-toi.

Après quelques secondes qui m’a paru être des minutes, elle fini par pisser.

- Et comment je me nettoie hein ?!

Ah oui… C’est vrai… . Je chope une feuille de l’arbre assez souple et hésite à le faire moi-même. D’un côté, si je lui délivre juste une main j’ai peur qu’elle tente un truc. J’oublie pas le collier ensorcelé.

- Euh… J’ai ce qu’il faut Tyr euh… Me dit Fenyx quelque peu choquée.

Je la fixe, avec un regard bien moins dur qu’envers Véronica et acquiesce d’un geste de la tête. Fenyx sort une petite trousse plutôt féminine qui, je suppose, sert pour les voyages. Elle s’occupe d’elle avec pas mal de pitié puis lui remet correctement ses bas. On la re-saucissonne aux jambes puis je la remets dans le sac avant de le fermer de nouveau sans oublier de lui remettre le haillon malgré qu’elle se débat. On repart, mon geste ayant jeté un froid à l’assemblée. Au moins on peut continuer tranquille. Comme le désire Halsim.

Le voyage touchait bientôt à sa fin. Tyr et ses compagnons avaient passé une bonne partie du reste de la journée à parcourir les vertes étendues de Dophemar et approchaient à présent des frontières bordant le Frankriech et le Gothland. Il était temps de prendre à présent quelques mesures pour préparer leur arrivée, car il allait de soit qu’arriver avec une femme, ligotée et empaquetée, ne ferait sans doute pas le meilleur effet auprès d’Aurore et les membres de sa guilde. Le plus ennuyeux dans l’histoire, c’était que la chaîne magique qui reliait Veronica à Tyr était toujours effective. Il fallait trouver un moyen de les séparer, et comme l’avait dit Esteban, la seule manière était de faire en sorte que la magie s’estompe. Hors, il fallait impérativement pour cela que Veronica perde connaissance où soit à cours d’énergie magique. Le groupe était arrivé aux abords d’un petit village qu’ils soupçonnaient être celui tant recherché, là où se trouvait les fouilles. Ils firent halte et posèrent pied à terre.

« Bon… Allons-y ! Occupons-nous de cette casse-pied. » déclara Halsim.
« Vous lui faites pas de mal, hein ? » déclara Fenyx. « Non parce que, d’accord, c’est la pire des casse-pied, mais elle mérite quand même pas ces mauvais traitements.
- Tu as une solution pour briser les chaînes magiques ? » demanda Halsim avec animosité.
« Non… » avoua la jeune recrue.
« Alors tais-toi et laisses-moi faire ! Tyr, sors la du sac, j’ai eu une idée en chemin. On va voir si ça va marcher. »

Tyr hocha positivement de la tête. Si Halsim avait une idée pour le débarrasser de la pimbêche, il n’allait pas se faire prier. Il se saisit du sac, posa Veronica par terre sans la moindre délicatesse et l’en sortit.

« Ok ! Debout ! » ordonna Halsim.

Veronica la regarda avec un air de défi et ne boucha pas le petit orteil. L’assassin sorti sa dague courbe et posa la pointe de la lame sous la gorge de la mage.

« J’ai dit… debout ! »

Voyant qu’elle ne rigolait pas, la magicienne se leva tout en pestant, le haillon toujours serré entre ses dents.

« Maintenant, écoute moi attentivement. Si tu hurles, je te tue, si tu fais mine de fuir, je te tue, si tu tente de nous attaquer, je te tue ! Je n’aurai aucune hésitation à te faire la peau, j’ai déjà tué de sang froid et je recommencerai autant de fois que nécessaire. Est-ce que tu as compris ? »

Veronica, étrangement, hocha positivement de la tête, avec docilité. Avoir une lame sous la gorge la rendait visiblement très raisonnable.

« Je vais enlever ton bâillon, je vais défaire tes liens, tu seras libre de tes mouvements et de tes paroles, mais si ça ne me plaît pas, si tu tentes la moindre action que je jugerai douteuse, je t’ouvre en deux et je te dépèce comme un lapin.
- Hééé ! On avait dit qu’on ne tuerait personne ! » s’opposa Fenyx.
« Écoute-moi bien, gamine ! J’en ai rien à foutre de votre Ordre et de votre moralité. Tout ce qui m’intéresse, c’est Tyr et Rebecca. Je n’hésiterai pas à buter cette Veronica, et si tu fais chier, toi aussi tu y passeras, c’est clair ?
- Mais… Et Tyr alors ? Tu veux l’embarquer là-dedans ? Si tu la tues…
- Si je la tue, j’en serais la seule responsable. Je plaiderai en tant que seule et unique coupable. Tyr n’aura pas à payer le prix de mes actes. Maintenant arrête de me casser les pieds, toi aussi, ferme-la, et reste bien sage. Je vous le répéterai pas, toutes les deux. Si un truc me plaît pas, je vous taille en pièce, membre de l’Ordre ou pas. Compris ? »

Fenyx serra ses poings et lui lança un regard furibond. Des flammes commençaient à danser dans sa chevelure et tout autour de sa peau. Il n’aurait pas fallut plus pour qu’elle s’enflamme et ne tente de carboniser Halsim, mais elle ne savait pas de quoi l’assassine était capable et, actuellement, sa lame était sous la gorge de Veronica. Elle n’allait pas prendre le risque que cette peste ne soit égorgée, même si elle ne l’aimait pas spécialement. Elle fit un simple oui de la tête, tout comme la mage qui n’avait pas non plus envie de se retrouver avec la gorge ouverte.

« Bien… » soupira Halsim avant de défaire les liens et le bâillon qui retenait Veronica.
« Ah… Tout de même. » soupira cette dernière.
« TCHK ! Je t’ai dit de la boucler ! Dernier avertissement ! » pesta l’assassine en pressant légèrement sa lame contre la gorge de Veronica.

On entendit un « gloups » de la part de la magicienne et rien d’autre. Halsim se saisit d’une fiole qui était dans une poche de sa ceinture, la dé-bouchonna et la tendit à Veronica.

« Maintenant, bois !
- Pas question ! Je boirais pas ta merde ! Qui me dit que ce n’est pas du poison ?
- Je t’en donne ma parole. Si je voulais te tuer, je n’aurai qu’à t’égorger ! Je ne gaspillerai pas du poison pour toi. »

Cela faisait sens, et Veronica saisit étrangement bien le concept, elle qui n’aurait probablement pas gâcher une de ses inventions pour se débarrasser de quelqu’un comme Halsim. Après tout, cela aurait été des ressources usées pour pas grand-chose. Elle finit par céder et but la fiole avant de pester.

« Pouah ! Ça a le goût de pisse, ta mixture.
- Reste tranquille. Tu devrais t’allonger maintenant.
- C’est ça, bien sûr ! Je vais m’allonger ! Et puis quoi encore ? Tu… Ouh… pourquoi… pourquoi ça tourne ? Heu… »

Veronica sentit soudainement la tête lui tourner. Elle perdit l’équilibre et Fenyx la rattrapa in extremis. La mage avait perdu connaissance et en moins de temps qu’il n’en fallait, elle se mit à ronfler, visiblement prise d’un sommeil profond et soudain. La chaîne magique qui reliait Tyr à Veronica disparut alors instantanément. Halsim sembla plutôt satisfaite que cela ait fonctionné comme elle l’avait prévu.

« Parfait. » déclara-t-elle.
« Qu’est-ce que tu lui as fait ? » pesta Fenyx.
« Elle a bu un simple somnifère. Elle va juste dormir pour un moment. Il est possible qu’elle ait un peu de mal au réveil, mal de tête, nausée, mais rien de grave. Elle risque éventuellement de se pisser dessus mais ça, on s’en fout un peu. Ça lui apprendra à faire n’importe quoi et à s’introduire dans l’espace privé des autres. Aller, remet la sur ton cheval, Tyr. On va l’amener comme ça. Si on vous pose la question, vous dîtes qu’elle a trop bu et qu’elle s’est effondrée ivre morte. »

Fenyx soupira. Elle n’aimait pas du tout la tournure que prenait les événements, mais au moins Veronica n’allait peut-être plus subir de mauvais traitement à présent. Elle y veillerait en tout cas. Tyr déposa la mage sur son cheval comme s’il s’était agit d’un paquet encombrant, puis il le traîna par la bride comme tous les autres qui ne remirent pas pied à l’étrier, de toutes manières, ils étaient à présent à seulement quelques pas du site de fouilles.


Nous étions, mon équipe et celle de Nikaïdo, confinés à la surface. La CCC et l’Ordre travaillaient de concert à nettoyer les radiations magiques qui polluaient le temple souterrain. Nous n’avions à présent que pour activité d’étudier ce que nous avions déjà sous la main : des croquis de sculptures anciennes, des écrits à déchiffrer, des esquisses à classifier et à comparer avec d’autres déjà découverts ailleurs. Cela nous laissait déjà bien assez de travail. L’équipe de Nikaïdo était toujours là pour assurer la sécurité du site même si pour le moment nous n’avions pas eu à craindre la moindre menace.

J’étais, en cette fin de journée, dans la tente des filles, avec Hellébore et Leandra, à boire une tasse de thé et papoter tranquillement de ce que nous avions pu étudier ce jour là. J’étais heureuse de pouvoir partager ce moment de calme et d’échange avec mes deux meilleures amies, un moment de calme qui n’allait pas durer. Alors que nous étions à évaluer la saveur des arômes du thé à la vanille, à la mode du Frankriech, nous constatâmes une légère agitation. Curieuse de savoir ce qui se passait, mais cependant réticente à quitter une si agréable compagnie, je me levais et jetais un œil à l’extérieur de la tente sans la quitter.

« On a de la visite ! » me déclara Gunther, le soldat de l’Ordre qui était chargé de la sécurité du site avec la guilde Hellébore. « Apparemment ce sont encore des gars de l’Ordre. Je vais aller voir ça, apparemment Nikaïdo et Lena Lee les auraient intercepté. Y a rien à craindre je pense, vu que ce sont des membres de l’Ordre. Vous venez ?
- Heu… Je ne sais pas… Je crois plutôt que je vais rester ici. Au besoin, vous savez où me trouver.
- Entendu, Mademoiselle Belmont. Je vais aller voir de quoi il en retourne. »

Je laissai Gunther aller à la rencontre des nouveaux venus et regagnai le calme de ma compagnie. Leandra me dévisagea et je trouvai alors son regard très insistant, trop insistant même.

« Ils sont là pour toi, Aurore. » déclara-t-elle trop subitement.
« Hein ?
- Je t’avais dit que quelqu’un viendrait pour toi, très prochainement, c’est aujourd’hui, c’est maintenant. »

Je sentis mon estomac se serrer et l’angoisse monter en moi. Leandra avait un air trop sérieux pour plaisanter, et je faisais confiance à son don de voyance. Si elle me disait que ces personnes venaient pour moi, c’était sans doute vrai. Dans ce cas, pourquoi redoutai-je tant leur venue ? Ce n’était sans doute qu’un simple ressenti du moment. Je soufflai du nez et repris une respiration calme et posée. Il fallait que je reprenne contenance.

« Vous… Vous voulez bien m’accompagner ? » leur demandai-je.
« La question ne se pose même pas ! » me déclara Leandra avec fermeté. « Je ne raterai ça pour rien au monde ! »

Nous arrivons au lieu de fouille qui me sembla fort bien gardé. Le petit village en soit ne paye pas de mine et le petit temple en construction tout au bout non plus. On dirait qu’au loin, ils semblent creuser la terre ou la fouiller je ne sais pas trop. Il y a pas mal d’agitation. Des types de l’Ordre avec d’étranges combinaisons et d’autres types faisant parties d’une sorte de milice ou autre s'affairent à je ne sais quoi. Voir à travers les yeux des gens est un pouvoir fort bien pratique. Tiamat pouvait le faire sans même voir les autres. Pour le moment j’en suis bien incapable. Je sais juste voir à travers ceux à portée de vue. Ce n’est pas grand-chose mais c’est déjà ça. Halsim nous a enlevé une sacrée épine du pieds en endormant l’autre greluche. Et je pense qu’elle n’a pas été trop sévère. Mais je me doutais bien qu’elle choisirait un autre moyen avant de recourir au meurtre afin de briser les chaînes qui me reliaient à l’autre morue.

Deux personnes étrangement vêtus arrivent à notre encontre. Un grand Fera aux cheveux blanc avec un sourire malicieux et une grande dame aux longues jambes nous font signes poliment de nous arrêter. Esteban nous regarde comme pour dire que c’est lui qui va parlementer avec ces deux-là.

- Salutation membre de l’Ordre. Nous dit la jeune femme avec une inclinaison poli de la tête. Vous êtes… ?

- Oh pas des soldats ! Fait remarquer le Fera. A moins qu’ils aient changé d’accoutrement depuis le temps ! Que font les petits bébés de l’Ordre si loin de leur crèche ?

- Nik’ ! Poli on a dit !

Esteban s’avance et dépasse Halsim. Il est bien droit et du point de vue de la femme, il leur sourit avec un air mystérieux, comme à son habitude en orientant son ombrelle là où le Soleil tape.

- Salutation, ex-membre de l’Ordre je suppose ? Regroupez en guilde ? Esteban Leorndias Hemerite de la section des renseignements. Appelez-moi Esteban. Je vous présente également la soldate Fenyx, le soldat Tyr et notre invitée Halsim. Oh et… Derrière Véronica de la section scientifique mais elle n’a pas encore émergée de sa folle nuit.

Le Fera nous fixe tous de bas en haut et bien plus intensément Halsim avec un petit sourire séducteur à peine caché. C’est quoi ce gus ?

- Et qu’est-ce que fait votre charmante petite troupe par-ici ?

- Nik’ ! Elle soupir. Je suis Lena Lee et voici Nikaïdo Van Wasmeier de la guilde Hellébore. Nous sommes chargés, avec d’autres membres de l’Ordre de sécuriser les lieux qui sont pour le moment interdit au publique. Et mon cher collègue pose néanmoins une bonne question, puis-je savoir le motif de votre venue ?

- Nous avons des informations à remettre à un membre de la guilde d’archéologues, à mademoiselle Belmont. Ne vous en faites pas, vous pouvez faire vos fouilles tranquillement on ne vous dérangera pas. On aimerait juste lui remettre ces informations directement à elle.

- Hum… Oui... On lui transmettra le message si vous voulez. Répond nonchalamment le Fera blanc.

- Vous n’avez pas à y avoir accès, cela relève de sa vie privée et je ne peux me permettre de lui être indiscret. Cela serait très impoli.

- Hum… Et lequel de vous doit les lui délivrer ? Demande la jeune femme aux yeux en amande.

- Le soldat Tyr et dame Halsim mais il est important que je veille sur eux en tant que membre des renseignements. Je suis mandaté par monsieur Wiskels.

Un autre membre de l’Ordre arrive à notre encontre et se demande bien ce qu’il se passe. Lena Lee résume la situation et l’Ordeux souhaite simplement vérifier nos plaques de membres. Mais on n’est pas réellement aussi prestigieux que laisse entendre Ban. Seulement, le membre de l’Ordre, se nommant Gunther valide et nous laisse passer avec une grande facilité. Je soupçonne ce félon d’elfe d'être à l’origine d’un tel laxisme. Ensuite, les deux autres nous accompagne au camps, nous entourant. Devant les tentes se distinguent deux femmes. Je reconnais instantanément Rebecca ! C’est elle ! Celle aux cheveux blond, son visage… Certes elle est adulte à présent mais son visage… C’est assurément elle. Je fixe Halsim qui me regarde à son tour. Elle aussi en est certaine. Nous restons muets mais nos regards se portent à présent sur elle. Soudain, je sens une sorte de pression dans ma poitrine. Quelque chose me serre. Je me tourne vers Véronica mais ce n’est pas de son fait. Je retiens plusieurs fois mon souffle et l’expulse fortement en m’en rendant compte. On arrête les chevaux, les atèles, on laisse Véronica et on arrive directement vers elle. Je reprends un peu de contenance, affiche mon air impassible tant bien que mal et avance. Je me fais suivre de très près par le Féra blanc et le fixe comme pour lui dire « casse-toi. ». Il n’en fait rien et me sourit avec provocation. Soudain sort de la tente la tête d’une femme aux cheveux noir mais surtout, aux yeux comme nous, comme Wraith et moi. Cela me frappe et je ne peux pas retenir d'émettre un regard surprit. Qu’est-ce que… ? C’est qui elle ? Je sens comme un lien entre elle et moi. Un lien étrange. On croise nos regards et instantanément sa tête disparue et on l’entend tomber. Le Féra me lâche alors enfin les pompes pour venir la secourir. La fameuse Lena Lee regarde alors la femme étincelante et mystérieuse qui accompagne Rebecca. Qui est-elle ? Pourquoi cette Lena Lee nous lâche-t-elle aussi comme un accord avec l’autre elfe de la nuit ? Je n'en avais jamais vu jusqu'ici des elfes aux motifs étoilées !

- Oh ! Cela sent rudement bon ! S’exclame Esteban. Et si nous allions prendre un peu de thés tous ensemble hum ? Oh ! Je suis Esteban et voici Fenyx mais ne faites pas trop attention à nous, nous ne sommes que de simples accompagnateurs.

J’observai en silence le petit groupe qui avait fait irruption dans notre campement, sous la surveillance de Lena Lee, Nikaïdo et Gunther. S’ils avaient pu entrer, c’est qu’il n’y avait aucun danger à attendre de leur part, et puis Leandra me l’avait affirmé : ces gens venaient pour moi. Nous en eûmes la confirmation lorsqu’un elfe se présenta sous le nom d’Esteban. Cependant, ce n’était pas lui, ou la jeune femme aux cheveux roux qui l’accompagnaient qui cherchaient à nous voir, mais les deux autres personnes à leurs côtés. Il ne me sembla pas les connaître dans un premier temps, mais lorsque la femme au teint basané s’approcha, je resta figée de stupeur. Quelque chose en moi résonna intensément, comme si la vue de son visage enclenchait en moi un sentiment familier. J’en restai sans voix et ne pus répondre à Esteban qui nous regarda avec curiosité. Ce fut la réaction de la jeune recrue à la chevelure de feu qui me sortit de ma tétanie.

« Ouah ! Tyr… Je comprend pourquoi tu voulais la retrouver ! Elle est magnifique ! »

Je me tournai vers elle, puis vers le jeune homme au teint aussi basané que la femme aux vêtements sombres. Ainsi donc, ce Tyr était celui qui me recherchait ? Il ne me disait pourtant rien, en revanche, la femme urukéenne à ses côtés… Non. Ce n’était pas une urukéenne, je le sentais au fond de moi, elle ne m’était pas inconnue, pas totalement. Elle… elle était d’Arcaëlle, et Rebecca la connaissait. Qui était-ce déjà ?

« Tiens ta langue ! » pesta cette dernière à l’encontre de l’élémentaire de feu.
« Quoi ? Mais c’est vrai… Excusez-moi, Mademoiselle Belmont, mais si je puis m’exprimer, je vous trouve vraiment ravissante ! Et c’est sans arrière pensée !
- Oh… Et bien merci du compliment… Fenyx ?
- Fenyx Ambrosia ! Je suis ravie de faire votre connaissance.
- Oui oui ! Ah ah ! Notre petite Fenyx est quelqu’un de très enthousiaste ! Il faut l’excuser de sa trop grande franchise ! C’est une élémentaire de feu, après tout ! Et si nous allions rejoindre les autres pour boire le thé, comme je l’ai suggéré plus tôt, hum ? » intervint Esteban en prenant Fenyx par les épaules avec un sourire enjôleur.  
« Hein ? Oh mais non ! Attends ! Je voulais assister aux retrouvailles, moi ! » protesta Fenyx.
« Je crois surtout que tu as besoin d’un bon thé ! Aller ! Hop hop hop ! »

Je regardai Esteban embarquer Fenyx sous la tente pour rejoindre Leandra, Lena Lee, et probablement la pauvre Ella qui était tombée dans les pommes. Il ne restait donc plus que Nikaïdo, les deux personnes qui voulaient me voir, et moi-même. Nous restâmes là un moment à nous toiser sans rien dire. Ils n’osaient apparemment pas dire quoique ce soit. S’ils étaient venus pour moi, alors pourquoi un tel silence ? Cependant, s’ils ressentaient un sentiment similaire au mien, actuellement, c’était compréhensible. Je n’arrivai pas à me défaire de ce sentiment de familiarité en observant le visage de femme qui ressemblait à une urukéenne sans en être une. Je finis par briser le silence de manière assez maladroite.

« Vous… Je vous connais… Je crois que je vous connais. »

Ses yeux se mirent à luire d’une lueur d’espoir. Elle hésita un instant, tendant la main en ma direction avant de se raviser. Elle n’osait pas faire un mouvement vers moi, comme si elle se l’interdisait.

« Oui… » répondit-elle, la voix à moitié étouffée par l’émotion. « Tu… Tu es Rebecca, n’est-ce pas ? »

Nikaïdo haussa grand les sourcils avec étonnement, et j’en fis de même. Nous nous regardâmes avant que je ne fixe nos deux visiteurs avec surprise.

« Comment… ? Comment savez-vous ? »

La femme sembla emporté par un sentiment d’allégresse contenu et s’approcha vivement de moi pour me prendre par les épaules, mais Nikaïdo intervint et la repoussa gentiment en arrière.

« Hop hop hop ! Pas si vite, ma belle ! Vous pourriez vous présenter avant d’en venir aux familiarités, non ? » demanda-t-il avec un petit sourire qui n’était là que par politesse.
« Tssss ! » fulmina la femme basanée. « Oui… Vous avez sans doute raison. Excusez-moi, mais… c’est l’émotion. Il se trouve que nous connaissions Rebecca… Et… Je me nomme Halsim… »

Halsim… HALSIM ? Mais… Ce nom… Ce nom… Je sentis les souvenirs me revenir. Cette femme, c’était l’amie d’Anna, une assassine, et elle avait été là pour Rebecca, elle l’avait gardée, protégée. Je me souvins alors du marais… La Gyuherf… Les cultistes d’Özan, elle avait été capturée et détenue dans une grotte, au fond de ces marais. Je l’avais sauvée à mon tour, et soignée. Halsim… C’était Halsim.

« Halsim ? » répétai-je avec incrédulité. « Tu es… LA Halsim ?
- Rebecca ? »

Je grimaçai à nouveau à l’évocation du nom qui fut celui de ma première incarnation. Elle pensait peut-être que j’étais encore elle, Rebecca. Quelque part, c’était vrai, mais je ne voulais pas lui infliger de déception. Il fallait que je lui explique calmement, posément, histoire qu’elle ne s’effondre pas de chagrin et de désespoir.

« C’est… très compliqué, Halsim. Nous devrions rejoindre la tente et nous y installer. Vous aurez sans doute besoin d’être assis, tous les deux. Et… Je… Je me souviens de toi Halsim, mais… »

Je me tournai alors vers le dénommé Tyr. Son visage ne me disait rien, ni son nom d’ailleurs. Je tentai de me souvenir avec ce que j’avais de Rebecca en mémoire, mais rien. Cependant, j’eus comme un sentiment étrange de familiarité. Sa posture, sa façon de se tenir, sa façon dont son regard s’exprimait… J’avais l’impression que je devais le connaître, mais pas sous cette apparence.

« Désolée, Tyr… Je… Je ne crois pas me souvenir de ton nom, ni de ton visage… Mais… Peut-être que si tu me parlais de toi, cela me reviendrait. »

Je lui tendis la main et lui adressai un doux sourire amical.

« Viens, allons prendre un peu de thé et manger quelques biscuits. On pourra en parler plus posément comme ça. Qu’est-ce que tu en dis ? »




C’était bien elle, il n’y avait pas de doute possible. Sa façon de se tenir, son visage doux, son sourire jovial… C’était notre Rebecca. Même si elle ne portait plus le même nom, même si elle avait peut-être vécu une nouvelle vie ici, c’était exactement la même. Elle était sa réplique exacte et elle se souvenait de moi. Aucun doute possible… Et puis encore ce truc de vouloir boire du thé et manger des biscuits… Typiquement elle. C’était Anna qui lui avait donné cet amour du thé et des goûters.

Je me retenais de ne pas fondre sur elle pour la serrer dans mes bras. Déjà parce que ça ne me ressemblait, mais aussi parce que je ne voulais pas l’embarrasser. Et puis il y avait ce grand benêt aux cheveux blancs, là. Il ne pouvait pas disparaître, celui-là ? Il gâchait tout, cette andouille. Et qu’est-ce qu’il avait à me regarder comme ça ? Il voulait un portrait de moi, ou quoi ? Je n’aimais pas trop comment il me scrutait de haut en bas. J’avais envie de lui planter ma dague entre les deux yeux, mais ce n’était pas une bonne idée, surtout si c’était l’ami de notre Rebecca. Aller Halsim. Prend sur toi, elle est devant toi à présent, tu peux bien souffrir la présence de quelques abrutis pour faire plaisir à la petite peste que tu adores, non ?

Je regardai tour à tour Rebecca… ou plutôt Aurore, maintenant, et Tyr. Ce dernier semblait totalement troublé et n’avait pas dit un mot. Cherchait-il la force de lui adresser la parole ? Avait-il peur d’être déçu ? Sans aucun doute sur ce dernier point. Assez inattendu de ma part, je posais une main dans le dos de mon jeune compagnon pour le rassurer. Je n’osais pas lui dire quoique ce soit, de peur de le mettre dans un état instable. Je voulais juste qu’il sache que j’étais là, moi aussi, que je partageai ses craintes.

« On va y arriver, Tyr... » pensais-je au fond de moi. « Elle est devant nous, à présent. Tu peux lui dire qui tu es. Elle va forcément s’en souvenir, vous étiez proches tous les deux. Allez ! Tu as une tête différente aujourd’hui, mais à l’évocation de ton nom, elle saura ! »

J’attends que Rebecca reconnait d’abord Halsim, ce qu’elle fit. Le Fera à la chevelure blanche est revenu et semble nous garder à l’œil sans doute pour la protéger. Ce grand type, Ni-… Euh… Nika-ïdo. Un nom bizarre comme ça reste courtois mais à l’affût du moindre de nos gestes. Tsss’… Il dérange. Je laisse ce premier moment ou devrais-je dire ce premier contact avec notre peut-être Rebecca à Halsim. Après tout, il est logique qu’elle ai à la reconnaître et non moi. Les émotions émanant d'elles arrivent par vagues sur moi tels des rats de marées. J’ai les poings et les dents serrées et tous mon corps se raidit. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je perçois mieux les émotions comme Wraith ? Je suis devenu… Par ce nouveau corps et partage avec ce dernier un être capable de ressentir des sentiments aussi forts ? Ou est-ce que tous ce chemin avec lui m’a juste ouvert l’esprit ? Je n’ai pas l’habitude de tous ceci et tous se bouscule dans ma tête. Je reste comme impassible à l’extérieur voir antipathique mais l’intérieur bouillonne. Mon cerveau est en ébullition et j’ai beaucoup de mal à avoir les idées clairs. Dois-je lui dire qui je suis ? Quel est mon nom ? Faut-il attendre de voir qui d’Aurore ou de Rebecca elle est avant de me prononcer ? C’est comme si d’un coup je n’avais plus assez de salive, de mots ou de place dans ma gorge pour parler. Elle est là, devant-moi et je reste interdit.

Halsim emboîte le pas derrière Rebecca ou Aurore et nous la suivons dans la grande tente servant de réfectoire. Là se trouve la grande dame Lenali ainsi que la petite femme ayant reprit ses esprits devant ce qui semble être un thé parfumé à la fleur et du pain au miel. Elle regarde Halsim mais n’osa pas me regarder de nouveau. Elle porte sur elle le veston du Fera et se fait frotter le dos par la femme aux yeux en amande. Si je ne reconnais pas d’où viennent les deux compères, je reconnais cependant les habits Midlandais que porte la jeune femme voulant se faire oublier en bout de table. D’ailleurs le grand Fera s’était carrément mit sur la table en tailleur comme pour séparer la petite mage de nous autre. Son sourire courtois se fait trahir par ses yeux d’un rouge assassin. D’ailleurs, il n’avait plus laisser ses oreilles de Fera ni sa queue. Seuls ses pupilles et ses canines trahissent son côté renard. Nous nous asseyons tous ensemble et Ban ne se prive pas pour se servir et par la même occasion nous servir. Il sert même le Fera en posant sa tasse devant-lui en lui souriant aussi poliment que lui. Deux effrontés qui se rencontrent… .

- Ne vous préoccupez pas de mes membres de la guilde, fait Nikaïdo, vous êtes ici seulement pour partager des informations avec Aurore après tout. Dit-il en insistant sur son prénom.

- Faut dire qu’avec un tel charisme qui émane de vous nous autres sommes pas très à l’aise vous comprenez ? Déclare Esteban en servant Rebecca et la dame céleste qui fixe avec curiosité notre « ami » beau-parleur.

Je sens la main d’Halsim dans mon dos, comme pour le donner du courage. Elle chasse un peu de mes pensées funestes. Il est rare de recevoir pareil affection de la part de la dame des ombres. Cette part d’obscurité que nous partageons et qui pourtant, nous poussent à nous entraider. Elle s’assit et veille à ce que je sois à côté d’elle là où Fenyx et Esteban se mirent non loin. Je m’assois, silencieux. Je ne touche à rien, fixant simplement Rebecca en restant muet. Si mon identité d’avant est inconnu, c’est que je souhaite que cela soit ainsi. Personne a à connaître mon ancien nom, ni apparence ni position par rapport à qui que soit. Seul ceux d’avant en ont le droit et quelques privilégiés par inadvertances comme Chono ou bien Amos. Mais devant les autres, c’est un refus catégorique. Et je n’allais sûrement pas faire appel à Wraith devant tous ces gens afin qu’il revoit Rebecca ou ce qu’il en reste. Je regarde Halsim, lui faisant comprendre mon ressenti. Ces retrouvailles n’appartiennent qu’à nous. Et je ne souhaite pas qu’il en soit autrement. Je ne veux pas me donner en spectacle devant ces inconnus.

- Je sais ! Chantonne presque le Fera renard. Mais je suis aussi au courant pour la provenance de vos deux amis. Arcaëlle si je prononce ça bien ? Ce n’est pas vraiment Aurore qui m’en a parlé, j’ai croisé d’une des vôtres et je l’ai amené vers Amos et papy Glendor afin qu’elle puisse trouver l’aide dont elle a besoin pour retrouver les siens. Je comprends votre animosité à mon égare mais j’approuve et applique les dogmes de l’Ordre. J’en ai effectivement fait partie et j’ai un proche y travaillant encore.

- Magnus Van Wasmeier je suppose ? Interrompe Esteban qui semble bien connaître ce nom.

- Ouah ! Alors vous êtes réellement des renseignements ?

- Oui ! Ce qui est merveilleux c’est que nous semblons partager les mêmes valeurs, celles de l’Ordre. Alors peut-être pourrirez-vous d’autant plus comprendre la venue de ces jeunes gens venue revoir un membre de leur famille ou proche néanmoins.

Soudain je sens en moi ma magie s’activer, elle me murmure que Wraith approche. Pourtant je ne l’ai pas demandé ! Mon lien avec lui traverse les plans et il a du sentir que je n’allais pas bien. Ou bien que j’ai retrouvé Rebecca. Mon regard se baisse au niveau du thé dans la tasse et pourtant je ne m’y concentre pas vraiment. Je vois simplement à son reflet mes yeux commencer à luire. Non ! Je ne suis pas prêt. Je me lève d’un coup et sans rien dire je quitte la table pour tenter de trouver un endroit calme où personne s’affaire à je ne sais quoi. Les palpitation de mon cœur se font trop intense et ma vue, loin de se troubler, voit des choses étranges et incroyable d’un endroit qui m’est familier.

Difficile de ne pas remarquer l’aura troublée de ce jeune homme qui est une ancienne connaissance de Rebecca. Il est perturbé, je le perçois dans le voile de ses sentiments. Tout est contenu, prêt à exploser. Je reste cependant discrète et reste à l’affût de tous les signes. Mais je sais qui il est, je sais quel est son véritable nom. Il est à présent Tyr, mais je vois en lui le fil de son passé. Il n’est même pas conscient de sa propre nature, il ne sait pas à quel point il est différent de celui qu’il a été autrefois, pas aussi précisément que je le vois.

Je sens un lien de se faire, je sens la présence d’un être si puissant que même moi j’en tremble. Il est pourtant loin d’ici, mais déjà je peux sentir son aura gigantesque, voler à travers les cieux avant même que ce garçon n’en soit conscient, lui qui pourtant partage un lien étroit avec cet être. Je l’observe en silence, lui et Aurore qui essaie tant bien que mal de se montrer douce et attentionnée envers lui. Il n’est pas réceptif, il n’est pas assez ouvert. Il aimerait que ce moment soit plus intime, elle lui est chère, plus qu’il ne veut bien l’admettre à lui-même.

Petite sœur, il va falloir que je t’aide dans ce moment. Il va falloir que je me mette entre vous deux et les autres. Vous avez tous les deux besoin de vous retrouver, surtout lui, plus que toi, car tu ne sais pas encore qui il est, qui il représente à tes yeux. Dommage pour Nikaïdo, mais vous ne partagez pas ce que tu partages avec Tyr. C’est plus profond, plus ancien, et celle qui est en toi, celle qui a été étouffée pendant des années est à présent une partie de toi. Tu ne pourras pas faire comme si elle n’existait pas.

C’est le moment, Tyr a enfin ressentit son approche. Tout le monde le regarde alors que ses yeux se mettent à luire d’un lueur intense. Il approche. Je reste calme tandis que le jeune homme se lève subitement et prend la poudre d’escampette. Les autres amorcent un mouvement pour partir à sa suite mais je me lève et tend la main, usant de mon don pour influencer légèrement la trame de leur aura. Ils ont un moment d’hésitation, tous, à part Aurore que j’ai laissé faire. Elle part à toutes jambes à la poursuite du garçon. C’est mieux ainsi, je ne peux pas laisser les autres les importuner.

« Laissez-les. » ordonnai-je calmement.
« Quoi ? Mais… notre ami vient de partir en courant alors qu’y a un truc qui s’est mis à briller dans ses yeux !! On va pas le laisser galérer tout seul ! » objecta celle qui s’appelait Fenyx.
« C’est parce qu’il n’est pas prêt… Il n’a pas envie que vous soyez là ! Il veut voir Aurore, seul à seul. Est-ce que vous comprenez le principe d’intimité ?
- Hum… Ouais… Contrairement à l’autre pimbêche de Veronica, je pige l’idée. Ok, si tu le dis, l’elfette des étoiles. Je vais rester là alors ! Et vous, c’est pareil ! »

Je vois cette Halsim regarder vers la sortie de la tente. Elle hésite, mais ce que j’ai dit et fait semble la garder raisonnable, et j’ai le sentiment qu’elle préfère rester ici pour s’assurer que personne n’aille embêter Aurore et Tyr. Brave petite tueuse. Au moins tu as le sens de l’honneur.

« Un point pour la rouquine ! » admit-elle. « On reste là, et on les dérange pas.
- Hé ! C’est pas très sympa de nous mettre à l’écart ! Vous pourriez au moins nous expliquer ce qui se passe. Ne croyez pas qu’on ne l’a pas vu ! Votre pote, il a les yeux qui ont brillé comme ceux d’Héllebore ! C’est clairement pas anodin ! » fit remarquer Nikaïdo.

Ella en tremble rien qu’à l’évocation de se fait. Elle se sent à nouveau mal et chancelle, ce qui force Nikaïdo à s’occuper d’elle plutôt que de chercher des réponses. Cependant, je pris la parole pour donner un début de réponse, assez pour calmer un peu les tensions que je sentais naître dans leurs aura.

« Non, c’est vrai. Il y a bien un lien entre ce garçon et Hellébore, mais ce n’est pas le moment de s’en préoccuper. Les réponses viendront.
- Toi… tu sais quelque chose ! » pesta Halsim en me regardant d’un air sombre.
« Oui, mais ce n’est pas à moi de vous l’expliquer, ce sera à quelqu’un d’autre, et il va venir.
- Qui ??? » s’impatienta l’assassine. « Et comment pourrais-tu le savoir ?
- Patience, Halsim. Tu le sauras bien assez vite. Laisses donc tes jeunes protégés se retrouver en attendant, et bois un peu de thé en notre compagnie. »

Halsim sembla tiquer. Elle ne savait pas comment j’avais fait, mais elle avait compris que je savais pour Tyr, Aurore, et elle. Ils étaient tous les trois connectés, et en visualisant la trame de leur aura, j’avais très facilement deviné leurs liens réciproques. Rien ne pouvait m’échapper à ce niveau là.

« Toi… Tu es comme les voyants des « Haschischins » ! » déclara-t-elle.

Je sentais qu’elle était impressionnée. J’avais gagné un peu de son respect. Elle ravala sa fierté et s’assit devant sa tasse de thé.

« Impossible… » murmura-t-elle.




J’accourus derrière Tyr qui était parti en courant. Personne ne nous avait suivi, étrangement, mais c’était sans doute mieux ainsi. Je ne pouvais pas le laisser partir et se terrer seul dans un coin, une partie de moi avait compris quelque chose à son sujet. J’avais bien vu ses yeux briller comme ceux d’Hellébore. Les mêmes yeux que Wraith… Ou Dewey. Et maintenant, c’était bien plus clair, bien plus logique. Il était accompagné par Halsim, sa démarche, sa posture… Son regard… Sa façon de regarder le monde comme s’il avait le cœur meurtri de blessures et de cicatrices, ce cœur renfermé, qui se paraît d’une carapace pour ne rien laisser entrer…

Il s’était arrêté dans un lieu isolé, le poing serré contre un arbre. Je sentais sa respiration forte d’ici, se mélanger à la mienne qui l’était autant après avoir couru aussi intensément. Mon cœur battait la chamade, autant à cause de l’effort que de mes sentiments. Je sentais les souvenirs de Rebecca exploser dans mon esprit, des souvenirs vifs, forts, intenses. Je pouvais voir son ancien visage, entendre son ancienne voix… Son regard, ses yeux… Ils étaient toujours les mêmes, surtout maintenant qu’ils avaient repris leur couleur que je connaissais. Je revoyais Rebecca panser ses blessures, tenter de briser sa carapace avec des mots doux et gentils, malgré son sale caractère et sa défiance. Tout me revenait en une vague de sentiments si puissants que des larmes me coulèrent des yeux avant même que je ne comprenne la situation.

« Tyr ! Tyr, attends ! » lui dis-je en suppliant.

Je m’approchai de lui, les larmes dégoulinant sur mon visage. Je ne pouvais pas faire un pas sans revoir un souvenir qui me revenait à l’esprit. Il était là… Il était venu à moi, il m’avait retrouvé alors que je l’avais attendu tout ce temps, sans le savoir. J’étais aussi confuse qu’émue, mais ça n’avait pas d’importance. Il était là.

« Dewey… Tyr… C’est toi ? Tu es bien là… mon frère… » bredouillai-je avec émotion. « Dewey… »

Tout était flou à présent. Je ne savais plus, sur le moment, si j’étais Aurore ou Rebecca. Ses souvenirs avaient tellement ressurgi en moi qu’il était difficile pour moi de me distinguer de tout ce flot. Pourtant, je finis par laisser faire, ne plus lutter contre ces souvenirs et ces sentiments. Je laissai un place à Rebecca qui était en moi, je fusionnai avec elle en cet instant pour ne plus être qu’une, l’acceptant pleinement.

Je n’avais jamais ressentis ça avant. Ma tête va exploser ! Je vois et pourtant je titube, marchant de manière erratique jusqu’à un coin tranquille. Je trouve un point de verdure où dort tranquillement un étang entouré d’arbre entre les champs d’orges qui poussent. Ma vision s’égare entre les champs, l’espace, l’herbe où se je pose mes pieds et ce plan dont on tente d’en sortir à travers moi. Et parmi tous ça, elle. Je prends ma tête entre mes mains comme si cela allait alléger quoi que se soit à ce qui m’arrive. Et il y a elle. Je la vois avant même de me retourner. Je l’entends aussi clairement que le vent souffle dans les champs. Rebecca m’a suivit. Ou bien est-ce Aurore ? Je suis face à elle et je vois alors une vision de son âme. Celle de son esprit. Celle d’une sorte de Xen ou bien une dryade. Elle a de très longs cheveux blonds et des ailes aussi brillantes que sa silhouette. Ses yeux vert me font revenir au plan « de la réalité » où elle est là. Jeune adulte. Le visage encore enfantin car tout de même assez rond. Mais elle a grandit. C’est la forme d’Aurore. Et à l’intérieur Rebecca.

- Dewey… Tyr… C’est toi ? Tu es bien là… mon frère… . Bredouille avec émotion celles qui se trouvent devant moi. Dewey… .

Ses yeux verts s’humidifient, l’amas de larmes coulent lentement sur ses joues. Mon esprit me montre alors une vision avec une violence qui n’a pas de douleur physique à proprement parlé. C’est au travers de mon âme qu’elles s’infiltrent. L’esprit de Rebecca ailée, ses longs cheveux et le visage d’Aurore. Son esprit, son âme se métamorphose et je parais être le seul témoin à voir cela. Comme deux parties se faisant qu’une, comme deux faces d’une même pièce qui s’unifie. Elles se sont vues, elles se sont tournées l’une à l’autre comme face à un miroir. Rebecca est là. Aurore aussi. C’est là. C’est maintenant que je la retrouve. C’est là que je sens avoir atteint mon objectif.

- Oui… Fais-je avant avoir une nouvelle pulsation dans mon être.

Je le sens venir. Il arrive mais pas comme d’habitude. Là il va vraiment dans notre plan. Wraith l’a senti lui aussi. Il sait que cette fois, nous avons réussit à nous retrouver. Je m’approche de Rebecca, luttant contre moi-même. Chaque pas est une épreuve car… Tremblant, je me retrouve enfin face à elle. Mes émotions me submerge et je ne sens même pas la lourdeur de mes pas. Je suis comme transporté. Entre la réalité, mes sentiments pour elle et l’endroit où Wraith ne se trouve plus. Mais comme une âme va vers la lumière pour aller de l’autre côté, je me dirige vers l’aura lumineuse de Rebecca. D’Aurore. Car maintenant qu’importe, les deux sont la même personne. Rebecca, Aurore. Dewey, Tyr. J’ouvre mes bras pour les refermer sur elle, l’enveloppant doucement. Je sens que moi aussi mes yeux s’humidifient et laisse tomber sur mes joues des gouttes silencieuses qui tombent sur sa chevelure blonde.

- Je suis désolé… D’avoir été si long à te trouver.

Mes mains bougent, tremblent de manières incontrôlées. Mes visions m’amène à un moment important. Je sens son odeur envelopper cette dernière et me rappeler. Mon corps se souvient d’une immense cicatrice de l’être. Je n’ai pas de visuel, juste des sensations. Je me souviens de la sensation déchirante de l’avoir perdu avant de sombrer à mon tour. Une partie de mon être fourmille, à l’endroit où elle se souviens de la dernière douleur ressentie avant la chute. Ce n’était pas une douleur physique, c’était dans mon cœur. Une blessure de l’âme qui a été par la suite restaurée. Je me remémore l’état où j’étais avant que Wraith me rende visite. De toutes ses nombreuses visites. Du temps que cela a prit pour que moi, mon âme déchirée plutôt, sorte de sa torpeur. De son violent traumatisme de la fin de notre monde.

- Désolé d’avoir été si long à comprendre à quel point tu comptes pour moi.

Je la serre doucement, laissant le torrent des larmes couler à flots sur sa chevelure. Je sais à présent pourquoi je ne voulais personne qui entre dans mes bras ainsi. Ce n’était pas uniquement à cause des maltraitances que j’ai subit et que j’ai fait subir à d’autres, ni les nombreux meurtres perpétués au court de ma petite et pathétique existence, pas uniquement dû à ces nombreuses fois où j’ai côtoyé de nombreuses fois « la plage des défunts ». Ce blond, cet être féminin douce et délicate, la tristesse de son regard d’une vie dure… Elle était si semblable à elle… . Qui n’avait pas de nom officiel. Il fallait gagner un nom par un fait marquant. Mais je l’avais appelé… Mary. C’était ma première petite sœur. La dernière enfant de Tiamat. Morte sous mes yeux à quatre ans. Je n’avais pas réussis à faire d’elle un être comme moi. J’avais échoué à la convertir au mode vie imposé par la bande. Je n’ai pas trouvé en elle ce qui aurait pu lui sauver la vie : le « don » dont on est affublé ou non. Tiamat n’a jamais comprit comment fonctionne cette « magie ». Par évolution. J’ai eu la « chance » d’entre être pourvu en grande quantité très tôt. Mais pas elle. Mary est morte par ma faute. Je n’ai pas fait développer son don suffisamment à temps. Je n’ai pas pu la tuer sous ordre de Tiamat. Je me souviens de son regard… De ses yeux bleus brillants très légèrement qui me fixaient. Elle me suppliait de lui venir en aide. Elle ne voulait pas mourir. Et je suis resté là. J’ai vu sa tête s’envoler sous le coup net et précis de la hache de Tiamat. Je m’étais attaché à elle. J’avais été gentil. Et ma faiblesse la conduite à la mort. C’était le premier être où je voulais donner autre chose que de la violence.

Rebecca me faisait penser à elle. Cette gentillesse inébranlable innée, inscrite dans son âme. La fragilité de être. Être bon avec son prochain apportant que la déception, la tristesse et la mort. C’était ça. C’était ce qu’elle m’avait mit dans le crâne. C’est inscrit dans mon être, marqué au fer rouge, gravé jusqu’au plus profond de mon être. Et je rejetais Rebecca car c’était ça. Je rejetais toute personne comme elle ou bien Wraith qui soit comme Mary.

- Tu es Rebecca et Aurore. Je l’ai vu en toi. Et si tu veux encore de moi dans ta nouvelle vie alors je te promets que je ferais de mon mieux pour être un meilleur frère. Une meilleure version de moi-même. J’essaie tous les jours de l’être depuis que je suis ici. Je ne serais jamais un être lumineux tel que toi mais les ténèbres de mon être laisseront autant que je le peux tes rayons passer.

Wraith attend. Il patiente. Il semble nous laisser juste cet instant avant d’apparaître à son tour. Sans même qu’il est à parler, je sais ce qu’il me dit. Il n’est plus dans son plan mais il n’est pas encore dans le notre. Il arrive mais il laisse cet instant comme suspendu par le temps pour qu’elle et moi nous nous retrouvions. Il a lu en moi, il sait parfaitement la teneur de cet instant. Je le sens plus calme et mon esprit n’est plus gêné par sa présence. Est-ce que parce que je l’ai complètement laissé entrer dans mes ténèbres lui aussi ? Comme avec Aurore ? Malgré mon cœur battant à la chamade et mes émotions bouleversant toute ma forteresse mentale, je me sens un peu plus apaisé. Mais j’attends sa réponse. Ce petit pincement et cette petite voix qui se demande : « Et si elle te dit non ? ».

Les larmes me coulaient sur les joues sans discontinuer, mais elle coulait aussi en moi. Je pouvais sentir toute la peine de Rebecca enfin soulagée. C’était autant de joie que de tristesse que je pleurai, à cause de cette émotion beaucoup trop vive qui emplissait mon cœur. Je posais ma main sur le visage de Tyr, essuyant machinalement ses propres larmes avec un geste délicat du pouce, le regardant attentivement dans les yeux. Une part de moi n’arrivait pas à croire qui il était, et qu’il soit vraiment ici. Ses yeux ne trompaient pourtant pas, ni ses paroles et son attitude, bien qu’elle soit différente de ce que j’avais connu. Il avait changé autant que moi, si ce n’était plus. Je n’étais pas vraiment la même personne, mais lui non plus. Pourtant, un lien indéfectible nous reliait, un lien bien plus solide que je ne l’aurait imaginé.

« Tu es Rebecca et Aurore. Je l’ai vu en toi. Et si tu veux encore de moi dans ta nouvelle vie alors je te promets que je ferais de mon mieux pour être un meilleur frère. Une meilleure version de moi-même. J’essaie tous les jours de l’être depuis que je suis ici. Je ne serais jamais un être lumineux tel que toi mais les ténèbres de mon être laisseront autant que je le peux tes rayons passer. »

Oui, je le sentais, je n’avais pas eu besoin de ses mots pour m’en rendre compte. Je lui souris sans arriver à dire quoique ce soit, ne pouvant toujours pas retenir mes larmes. Je le serrai fort contre moi, comme je le faisais autrefois. Petite comme j’étais, ma tête arrivait à peine au niveau de son torse. Je l’enfoui contre lui, profitant de ce contact doux et chaleureux que je n’avais pas ressenti depuis si longtemps. Je sentis sa main me caresser le dos avec douceur, comme pour me rassurer. Autrefois, il m’aurait certainement envoyé bouler, ou alors il aurait été simplement passif. Oui… Il avait bien changé. Nous n’étions plus les enfants d’autrefois, c’était au final bien normal. Je levais à nouveau mon visage vers lui et m’accrochai à son cou avec mes bras. Alors doucement, je posais mes lèvres humides de larmes sur sa joue.

« Tu m’as tellement manqué… et je ne le savais même pas. » lui avouai-je. « J’avais tout oublié, mais pourtant… pourtant j’ai toujours eus ce vide en moi depuis tout ce temps. Je n’arrivai pas à comprendre pourquoi je me sentais si mal, si incomplète… »

Je déglutis douloureusement, ravalant un sanglot. Je ne voulais plus le lâcher à présent, la question ne se posait même pas de savoir si je voulais ou non qu’il reste dans ma vie. Les sentiments de Rebecca me hurlaient de ne pas le laisser partir, de le retenir. Pourquoi aurai-je voulu qu’il s’en aille ? Parce que j’avais une nouvelle vie ? Quand bien même, je devais essayer de concilier les deux, les connecter pour me retrouver moi, et réunir tout le monde. Ça ne serait peut-être pas facile, mais on devait au moins essayer.

« Tyr… J’ai… J’ai besoin de toi, comme la lumière a besoin des ombres pour exister. La réponse est : « oui ». Oui, je te veux dans ma nouvelle vie. Et je suis convaincue que tu es déjà un meilleur frère. Tu as fait tous ces efforts pour me retrouver ! Tu as réveillé la part de moi qui dormait, celle que Tonton Grégoire m’a rendue. Je ne veux plus que tu partes, plus jamais. »

Je me collais à nouveau à lui en enfouissant mon visage contre son torse, les yeux ruisselant de larmes. Étais-je encore Aurore à ce moment là ? N’allais-je pas disparaître pour laisser la place à Rebecca ? Non… NON ! Je ne voulais pas disparaître ! J’existai, à ce moment là, je ne voulais pas m’évanouir à jamais. Tout ce que j’avais vécu à Midgard, mes souvenirs, mon père, Leandra, Karel et Aldabar… Ella, Nikaïdo… Lena Lee… Archibald… Chono, Tsoliin… Je ne voulais pas les oublier ! Je ne voulais pas les perdre.

« Ne crains rien. Nous ne faisons plus qu’une, maintenant. Tu ne disparaîtra pas, et moi non plus. Nous sommes Rebecca-Aurore à présent. » me murmura une voix enfantine.
« Oui… C’est vrai. On peut coexister, toi et moi. Merci Rebecca.
- Tu n’as pas à me remercier. Nous sommes la même personne à présent. On peut tous les aimer. Il y a de la place pour tout le monde dans notre cœur. »

Oui… Il y avait assez de place dans notre cœur pour tous. Je ne devais pas m’inquiéter de disparaître, ni de perdre qui que ce soit. Je pouvais le faire, être à la fois Rebecca et Aurore. Une flamme intense brûlait dans ma poitrine, une douce flamme, celle de l’amour et de l’espoir. Mon être n’était à nouveau que lumière et bienveillance après avoir tant vacillé.

« Je t’aime, Dewey… Tyr. »

Je souriais béatement à présent. J’étais enfin entière. J’avais enfin retrouvé la famille qui me manquait.

Elle a accepté, à présent me voilà un peu plus paisible. Je l’écoute, ne pouvant m’empêcher de sourire. Même un peu. Cette façon de parler, ces manières, ces expressions… C’est tout à fait elle. Je lui frotte doucement le dos, avec tendresse, la laissant profiter de son câlin providentiel. Peut-être que j’en profite un peu, moi aussi. J’ai toujours une partie de moi qui, comme un coup de poignard languissant me dévaste le cœur mais je le sens nettement moins qu’avant. Le sentiment de rejet est dur à s’en débarrasser mais peut-être qu’avec le temps cela disparaîtra. Mon esprit est ouvert mais mon corps a toujours cette crainte, me lance comme pour me prévenir qu’il faut se protéger. Qu’il faut réagir et repousser ce qui le traverse. Mais je ne lui fais pas ressentir car de toute façon, elle ne peut rien faire contre ce qui demande du temps. En espérant qu’un jour je ne ressentirais plus ces épines serrer mon être lorsque je souhaite recevoir de l’amour.

- Je t’aime, Dewey… Tyr. M’avoue-t-elle béatement sans me lâcher pour autant.

Mon cœur se serre. Je suis heureux mais je souffre en même temps. On ne m’avait jamais dit ça. J’en reste muet de stupeur. Je sais lorsqu’on m’aime bien, les gens me le disent inconsciemment dans leur sourires. Mais personne ne me l’avais dit aussi clairement. Et ça fait bizarre ! Je ne saurais pas lui rendre la pareil, être aussi franc là-dessus. J’essaie mais les mots restent dans ma gorges et ma langue reste inerte. Aucune réponse autre pour contourner le problème se forge dans mon esprit. Qui a-t-il de plus clair, de plus limpide qu’un « Je t’aime » ? Même le simple « moi aussi » reste entre mes dents et ma langue. La tétanie que me cause cette peur de donner « au cas où il se passerait un malheur » me saisit. Figé, nous restions ainsi et elle comprit que je ne peux pas faire comme elle et exprimer ce que je ressens. Un soulagement immense, de l’amour pour elle mais cette crainte de la perdre de nouveau. Que tous se finisse mal encore. Rien qu’à cette évocation, j’en angoisse d’avance et je sens mon rythme cardiaque s’accélérer. Mon esprit me repasse cette scène, ce souvenir. Son regard bleu ciel qui me fixe, ses cheveux blonds qui s’entremêlent et volent. Je redoute que l’on me regarde ainsi une nouvelle fois. Me l’avait-on déjà fait ? Encore ? Lors de mes derniers instant sur Arcaëlle ? Où j’étais ? Était-ce avec Rebecca ? Mon esprit ne s’en rappel pas. C’est normal puisque Wraith à récupéré tous nos souvenirs de nos derniers instants. Pourquoi tenter de s’en rappeler ? Pourtant j’essaie tout de même. Cette douleur dans la poitrine… C’est un échos de mon dernier souffle sur notre monde d’origine ? Comment avons-nous échoués ? Wraith m’avait dit que c’est parce qu’on ne s’était pas tous réunis à temps, que nous n’étions pas tous soudés pour la bataille contre les cavaliers d’Özan. Trop dispersés… . Garde-t-il seul ces souvenirs traumatiques ? Il y a forcément quelque chose de plus mais je ne saurais dire quoi. Tout comme je reste muet face à Aurore, lui reste interdit face à moi. A quiconque d’ailleurs.

- Je ne suis plus Dewey, du moins je ne souhaite plus l’être. Ce nom et mon ancienne apparence ne signifie plus rien pour moi. Déjà avant la chute je voulais changer de nom mais je ne savais pas quoi prendre. Un nom que Lorcq guerrier je me suis dis. Pfft’… Fais-je en souriant du bout des lèvres. Je ne savais pas qu’on a nommé un dieu ici « Tyr ». C’était le nom de mon mentor, tu sais, lorsque le matin je disparaissais et je revenais amoché. Tyr m’apprenait à me battre et il y en avait peu comme lui qui me traitait avec justesse. Pas comme un gamin débile. Parfois porter le nom de mes mentors me donne de courage car la simple évocation de leur prénoms les font encore un peu exister. Tyr, Ragnyrr, Jürgen… Et même le vieux du temple. Enfin… Notre oncle Jürgen n’a qu’une partie de lui au Valhalla. Il souhaitait rejoindre son prince Mzékils. Le reste s’est dispersé dans le cosmos.

Cette nouvelle l’attriste, je le sens. Elle aurait aimé revoir oncle Jürgen au moins une fois pour lui dire « Auxdieux ». Jürgen était vraiment un type bien. Il était gentil avec tous le monde, très prévenant avec les enfants. Il savait être doux avec Rebecca, empêcher les bêtises de Sylvester et me tenir tête lorsqu’il faillait me recadrer. C’était un très bon entraîneur aussi, il savait tout manier et transmettre ses connaissances. Il était patient et attentionné. Wraith se reposait beaucoup sur lui. Mais je sais aussi qu’il était profondément triste de ce qui lui est arrivé et qu’il aurait aimé continuer à servir la principauté Mzékil’Han. Il adorait sa nation, c’était un général d’exception.

- Ne t’en fais pas, il nous reste d’autres membres de la famille. Lui fais-je.

Comme pour dire à Wraith « C’est bon, tu peux venir à présent », je l’attends et sens alors une perturbation dans notre plan. Quelque chose de gros et de puissant entre par le ciel. Je lève ma tête là où Wraith apparaît sous sa forme de dragon. Il y a un genre de trou dans le ciel, le fond est au motif de l’espace lointain comme une sorte d’anomalie dans un ciel pourtant bleu aux rayon du d’un Soleil lumineux.

Spoiler:

Wraith sort sous sa forme de dragon avec ses ailes de papillon, sa crinière blonde et les motifs du ciel nocturne. Ses yeux sont comme deux Soleils aux couleurs changeantes autour de ses pupilles d’un noir profond. J’ai l’habitude de le voir sous cette forme ou bien une autre, mais c’est bien la première fois qu’il vient directement et sous cette apparence. Je sens qu’il est réellement là cela dit. Il n’est pas venu sous forme astrale que l’on pourrait voir. C’est son être physique qui est présent d’où son écrasante énergie. Il paraît énorme et c’est vrai qu’il l’est. Moins que ce qu’il me dit des autres dragons mais son apparence serpentiforme joue avec cet aspect de grandeur extraordinaire. Bien sûr il ne passe pas inaperçu et tous dans le village le voit arriver. La peur les saisit et Wraith décide alors de se transformer en une apparence plus convenable pour venir à nous. Plus spécifiquement Aurore et moi.

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Ses grandes ailes de Xen, ses traits, sa petite taille, tout est exactement à l’identique comme si vieillir lui est impossible. Il est exactement comment sur Arcaëlle. Peut-être ne peut-il pas vieillir ? Les dragons le peuvent-ils ? Surtout avec une puissance divine dans un monde où je ne suis pas sûr que le concept de temps existe ? Il a juste ses petites cornes de dragon qu’il laisse apparente, c’est vrai qu’il n’est plus un Xen même si son apparence demeure intacte. Nous nous approchons de lui et il vient à notre encontre, souriant. Sa bienveillance naturelle rayonne tel un astre solaire et je regarde Aurore filer dans ses bras qu’il ouvre pour l’inviter. Wraith les referme sur elle et la serre fort, il arbore un sourire magnifique sous ses joues perlées de larmes. Je viens vers eux deux sans un mot, les laissant se retrouver.

- Je suis si heureux de te retrouver mais aussi de te rencontrer de nouveau. Lui adresse-t-il avec tendresse. Tu as tellement grandit ! J’ai senti ta malédiction s’éteindre lorsque tu as revu Grégoire mais je ne pouvais pas vraiment me présenter à toi. Et puis j’avais missionné Halsim et Tyr pour te retrouver. Je suis tellement soulagé que tu es retrouvée la mémoire mais aussi, que ton âme se soit apaisée.

Il lui caresse la joue avec une tendresse infini, elle peut sentir sa chaleur émaner de lui. Douce et bienveillante. Il tend son bras vers moi comme pour m’inviter mais les gens se pressant pour venir voir le dragon transformé me rend mal à l’aise bien que j’en ai très envie. Il me sourit, comprenant, et n’insiste pas.

- Je suis navré, je me doutais bien que mon arrivée de manière physique sur ce plan chamboulerait un peu les habitants mais si je veux pouvoir te serrer dans mes bras je n’ai pas d’autres alternatives. Au moins sous cette forme je prends peu de place.

Il lui prends les mains et plonge son regard dans le sien.

- J’ai hâte que tu me racontes tes aventures ici ! Je vais rester un peu avec vous et en profiter pour faire une petite pause. Je suis devenu un dragon divin du cosmos, gardien des âmes d’Arcaëlle et parmi toutes celles que j’ai emporté je dois à présent les apaiser pour qu’elles puissent décider de leur sort. Malheureusement, je ne peux pas rester ici éternellement, j’aimerai mais nos anciens dieux m’ont confié cette mission et je ne peux pas abandonner toutes ces âmes. Mais ne t’en fais pas, si besoin tu pourras toujours m’appeler en rêve et puis tu pourras me voir lorsque je te rendrais visite. Bon, cela ne sera pas toujours sous forme physique car c’est un peu… Enfin je ne veux pas déranger les Midgardiens.

Il lui fait alors don de cette capacité à pouvoir le voir sous forme astral et celle de contrôler ses rêves afin de pouvoir le retrouver. Aurore peut sentir une magie tout à fait singulière en elle et ses yeux brilles légèrement avant de reprendre leur éclats naturels. Aurore est à présent « connectée ».

- Allons tranquillement vers le camps et rassurer tous le monde. Dis-je en regardant les gens avec ta tête habituelle.

- Ne t’en fais pas. Fait Wraith. Mon aura va les apaiser petit à petit. Mais je suis d’accord avec ta suggestion, allons à votre camps. J’ai hâte de rencontrer celui qui t’as sauvé, tes compagnons et aussi revoir Halsim et rencontrer également tes amis Tyr.

- Mes.. ?! Ah… Euh… Je peux te présenter mon… Groupe si tu le souhaites… . Mais ce n’est pas très important. Fais-je en me grattant la tête.

Je n’en croyais pas mes yeux, ni mes autres sens d’ailleurs. Il y a peu de choses que j’arrivai à appréhender sur l’instant même. J’étais totalement perdue entre mes retrouvailles avec Tyr, et l’arrivée soudaine de Wraith. C’était beaucoup d’émotions d’un coup et mes larmes coulèrent en abondance alors que j’affichai un sourire déformé. Combien de temps cela faisait-il ? Presque une vie entière… J’avais l’impression d’être une toute autre personne, ce qui était en partie le cas, mais pas totalement. Étions-nous encore ceux que nous fûmes ? Il y avait trop d’incertitudes, hormis que nos sentiments éclatèrent pour s’exprimer pleinement. Seul Wraith semblait parfaitement serein, calme et posé. Était-ce parce qu’il avait acquis une forme d’existence supérieure ? Ou était-ce simplement parce qu’il était toujours lui, le Wraith que j’avais connu, mon père doux et gentil, plein de bonté et d’amour.

Personne n’avait osé venir à nous, sans doute parce que l’aura de Wraith, bien qu’il en usait pour apaiser tout le monde autour de lui, était d’une puissance telle qu’elle s’imposait à nous. Cette sensation… elle n’était pas tout à fait étrangère, j’avais ressenti un peu cela en présence de Grégoire, une puissance au-delà du commun des mortels. J’apprendrai plus tard que Tyr avait ressenti la même chose, avec une sensation bien plus proche, lorsqu’il avait rencontré l’Archimage Amos. Pour l’heure, Tyr proposa d’aller rassurer tout ce beau monde alors que Wraith avait hâte de rencontrer ses amis. Je partageais également cet enthousiasme. Je voulais savoir qui était cette jolie guerrière à la crinière de feu qui l’accompagnait. Elle m’avait donné une bonne impression.

« Oui, j’ai hâte de rencontrer tes amis, moi aussi. » lui dis-je.
« Ce… ne sont pas… enfin… peu importe…
- C’est qui la fille aux cheveux de feu ? C’est ta copine ? » dis-je à moitié en plaisantant.
« Non… » grommela-t-il. « Tu verras…
- Hi hi ! »

Alors que nous avancions en direction des tentes de réfections pour rencontrer les autres, nous constatâmes qu’ils attendaient tous devant, nous regardant avec un mélange de crainte et d’interrogation. Joseph fut le premier à s’avancer, droit et imposant, malgré que je sente en lui une certaine crainte, il avait en lui un courage démesuré face à une telle situation. Son visage exprimait une certaine sévérité, comme si quelque chose l’avait énervé. Il se planta devant Wraith malgré la terreur que lui inspirait son aura et croisa les bras.

« Qui êtes vous, et pourquoi avez-vous fait pleurer ma fille ? » déclara-t-il sur un ton impérieux.
« Oh ! C’est vrai ! » m’exclamai-je alors avec surprise. « Ah… Papa ! Je… Et bien… Je te…
- Hummm ?
- Désolée ! Je viens de réaliser que j’avais deux papas à présent !
- Whaaaaaaat ? » s’étonna Joseph en midlandais.
« Et bien… Papa Joseph, je te présente mon premier papa adoptif, Wraith Dorcas, qui vient de l’autre monde. Papa Wraith, voici mon père adoptif de Midgard, Joseph Belmont. »

Joseph me regarda alternativement avec Wraith. Il avait les yeux ébahis de stupeur et sa main mécanique se tordait dans tous les sens.

« OH MY GOOOOOOOOOD !!!! » s’écria-t-il.

Il avait visiblement du mal à encaisser la nouvelle. Wraith pouffa de rire avec sérénité et tendit la main à mon autre père.

« Je suis très heureux de vous rencontrer, Joseph. Merci d’avoir veillé sur Rebecca, ou Aurore, peu importe. À bien des titres je vous dois beaucoup de vous être occupé d’elle. Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous l’enlever et partir avec elle, si c’est ce que vous craignez. » lui dit-il pour l’apaiser.

Joseph lui serra la main en affichant une expression de consternation, comme s’il ne comprenait pas ce qu’il faisait.

« Oh… Heu… Non non ! Je… Ce n’est pas tellement ça dont j’ai peur. C’est plutôt que je vous ai vu arriver et… Vous… Vous êtes vraiment le père d’Aurore ? Mais… Vous… Vous êtes un dragon ! Est-ce qu’Aurore… ?
- Ah ah ah ah ! Non, Aurore n’a rien d’un dragon, je vous rassure. Et puis je suis un gentil dragon, ne vous en faites pas. On pourrait peut-être discuter ensemble autour d’un thé, vous ne croyez pas ? » proposa Wraith.
« Un… Un thé ? » s’étonna Joseph. « UN THÉ ??? Holly shit… Je… Je vais boire du thé en compagnie d’un dragon céleste…
- T’en fais pas, papa, papa Wraith est très gentil ! Tu vas voir !
- Et lui, c’est qui ? » grogna Joseph en pointant du doigt Tyr.
« Oh !!! Mince !! J’ai oublié de vous présenter !! Papa, je te présente Tyr… C’est… »

J’hésitai un instant à comment présenter Tyr. C’était compliqué de savoir comment j’allai décrire notre relation. Il avait toujours été comme un frère pour moi, même si à l’époque je ressentais comme de l’admiration, proche d’un amour encore pur d’enfant. Avais-je été amoureuse ? Difficile à dire, je n’avais été qu’une enfant… On ne peut pas vraiment dire ça. Ce qui était sûr, en revanche, c’est que nous nous étions comporté comme de vrais sœur et frère l’un pour l’autre : entre les gestes tendres et les disputes, c’était typique de ce genre de relation.

« C’est mon frère !
- Ton… Ton frère ? Ooooooh ! »

Mon père fixa Tyr de haut en bas et finit par lui tendre la main.

« Enchanté, jeune homme ! »

Tyr le regarda avec embarras, visiblement pas enthousiaste à l’idée de serrer la main d’un inconnu, mais il finit par se plier à l’exercice, ne voulant pas froisser mon père adoptif, sans doute. Joseph profita de cette occasion pour tirer mon frère à lui et le serrer dans ses bras. Tyr fut tellement surpris qu’il eut un réflexe de recul sans pouvoir se défaire de l’étreinte de mon père.

« Hé ! Lâchez-moi ! » rouspéta-t-il.
« Ah ah ah ah !! Désolé, Tyr ! J’ai tendance à me montrer un peu trop familier quand j’apprends que nous avons un nouveau membre de la famille ! Je suis content que ma fille ait retrouvé son frère, même si je suppose que vous n’êtes pas vraiment du même sang à la base, n’est-ce pas ? »

Il relâcha Tyr qui lança un regard incisif à Joseph. Pour répondre à son interrogation, je pris la parole.

« Non, effectivement, mais ça n’a pas vraiment d’importance, si ?
- Non, pas vraiment ! » assura Joseph.
« Oh ! Il faut que je vous présente les autres !!! » assurai-je. « Venez !! »

Wraith s’amusa de mon enthousiasme, me reconnaissant bien là. Il suivit le mouvement sans broncher tandis que Tyr semblait déjà agacé par la situation. Cependant, la joie de me retrouver devait être plus forte et il resta avec nous. Tout le monde était là, et je ne savais pas trop par qui commencer. Leandra affichait un sourire pleinement satisfait et s’avança la première. Elle passa son bras autour de mes épaules et me serra très légèrement contre elle.

« Je suis heureuse pour toi, Aurore. Je savais qu’ils arrivaient. Tu nous présentes ?
- Bien sûr ! Tyr, Wraith, je vous présente ma sœur de coeur : Leandra. Leandra, voici Wraith, mon papa, et Tyr, mon frère.
- Hum ! Ravie de vous rencontrer. Je savais que vous viendriez tôt ou tard. Je vous avais senti, j’ai lu dans la trame du destin votre arrivée. »

Leandra était sans doute bien la seule à ne pas être ni effrayée, ni impressionnée par la présence de Wraith, comme si tout était normal à ses yeux. C’était d’autant plus troublant qu’elle fixait Wraith avec un sourire calme et serein. Se pourrait-il que l’aura apaisante de mon père ait plus d’effet sur elle ? A moins qu’elle n’ait vraiment prédit tout ce qui se passait actuellement, et que la situation lui était pour le coup familière et dénué de tout danger. Elle finit par s’incliner respectueusement devant Wraith.

« C’est un honneur d’être en présence d’un être céleste. Je vous salue, honorable dragon, Wraith. Puisse les étoiles briller encore en votre âme et dans vos ailes. »

Tous semblèrent plutôt surpris. On ne s’attendait pas tellement à ça de la part de Leandra, mais elle s’avait plus de chose qu’il n’y paraissait. Sans doute que voir dans la « trame de la destinée » lui procurait un sentiment la forçant à l’admiration face à la nature de mon papa.

« Tyr !!! C’est quoi ce bordel ? » s’écria la jeune fille aux cheveux roux qui n’en pouvait plus d’attendre son tour pour qu’on la présente, visiblement. « Tu nous avais pas fit que ton père c’était un dragon ! Si j’avais su… Aaaaaaaaah ! Mais c’est trop génial !
- Tcchhhk ! Ferme-la, gamine impertinente ! Montre un peu plus de respect à tes aînés ! » pesta Halsim.

Je ne m’attendais pas à ce genre d’accueil lorsque la vérité sur les origines d’Aurore fût révélées à ses pairs. Et malgré les étrangers que nous sommes, imposants et possiblement dangereux on ne nous a pas claqué la porte. Enfin, façon de parler vu qu’on est dans une tente servant d’abri de fortune pour je ne sais quoi. Wraith fait grande impression auprès des compagnons d’Aurore ainsi que d’autres qui… Je ne sais pas ce qu’ils foutent là puisque visiblement Aurore présenta toute son équipe à l’exception d’un type qui ne serait pas présent. Je fixe la femme aux motifs célestes et ne la reconnais pas faisant partie des « nôtres ». Qui peut-elle bien être et pourquoi est-elle si formelle et détendu face à Wraith ? Bien que pour moi, c’est moins étrange comme comportement que l’appréhension sur les visages des autres. Mais c’est parce que je connais bien Wraith, eux voit un dragon dont ils ne savent comment se comporter. C’est l’exemple de cette Léandra que prirent certains pour se présenter au dragon. Les deux elfes aux cheveux roses, la femme aux longues jambes ainsi que la minuscule petite mage qui l’accompagne. Seulement, il y a bien que cette elfe à la peau foncée qui semble réellement savoir ce qu’elle fait.

- Tyr !!! C’est quoi ce bordel ? S’écria la jeune fille aux cheveux roux qui n’en pouvait plus d’attendre son tour pour qu’on la présente, visiblement. Tu nous avais pas fit que ton père c’était un dragon ! Si j’avais su… Aaaaaaaaah ! Mais c’est trop génial !

- Tcchhhk ! Ferme-la, gamine impertinente ! Montre un peu plus de respect à tes aînés ! Pesta Halsim.

Ah… Oui eux… C’est vrai. Je dois les présenter à Aurore et Wraith… .

- Wraith, Aurore, voici…

Je regarde Fenyx suivit de Ban afin de définir comment les présenter.

- Des connaissances de l’Ordre. Fenyx et Esteban. Vous deux, Aurore ma sœur et Wraith notre père adoptif.

- Fenyx a raison de s’enjouer, fait remarquer Ban en souriant. Enchantée dame Aurore et bienvenue sur notre plan dragon Wraith.

Il fait carrément une petite révérence élogieuse ! Nan mais ok c’est un dragon mais ça va ! C’est Wraith ! Bon, oui. Ils ne connaissent pas, c’est vrai. Et c’est vrai aussi que les dragons dans ce monde c’est carrément autre chose que les autres dans notre ancien monde. C’est tout de même bizarre ! Et je ne suis pas le seul, Wraith ne sait plus où se mettre avec toutes ces manières. Alors il fait ce qu’il sait faire de mieux. Sourire et servir le thé en demandant qui en voudrait. Un geste très étrange pour un dragon apparemment.

- Ne vous en faites pas pour ça honorable dragon, laissez-nous nous en occuper ! Déclare Ban.

- Aucun problème ! Sourit Wraith. J’adore préparer le thé !

Ils le regardèrent tous préparer le thé avec des feuilles et des fleurs qu’il fait pousser à grande vitesse ci et là de manière improbable. Il fait bouillir l’eau avec l’une de ses mains et les tasses remodelées pour l’occasion volent jusqu’à table devant chaque chaise. Wraith semble vraiment très à l’aise avec la magie de ce monde ainsi que sa manière de fonctionner. Tous lui semble naturelle et en même temps de préparer sa mixture parfumant toute la tente, il répond aux questions des petits curieux comme Fenyx avant que nous nous faisons interrompre par le Féra blanc qui a visiblement trouvé notre invitée indésirable.

- Je ne voudrais pas gâcher l’ambiance mais pourquoi transportez-vous une rouquine endormie ?

Il transporte Véronica sous son bras encore à moitié dans le sac telle un sac à patate. Ah. Je l’avais oublié. Elle. Comment va-t-on pouvoir expliquer ça ? Doit-on l’expliquer d’ailleurs ? Je regarde mes compères qui me fixèrent comme pour dire que c’est à moi de répondre. Puis bon, c’est vrai que le Féra m’a spécifiquement regardé. Pourquoi d’ailleurs ?

- Tu ne veux pas savoir. Ne la réveil pas.

La chieuse choisie ce moment pour ouvrir les yeux. Elle reste béate face à tous ce qu’il se passe un court instant, faisant de grands yeux agars et sa bouche fait un petit « o » de stupeur muet avant de voir qu’elle est transportée par un inconnu dans le sac. Elle hurle avant de se débattre mais le Féra ne la lâche pas pour autant malgré sa surprise.

- Hé ! Ne hurle pas comme ça ! Lui ordonne-t-il. Qu’est-ce que tu fais dan un sac ?

Elle le fixe un moment avec appréhension avant que son visage s’illumine, l’air mauvais.

- C’est ce crétin de Tyty et sa stupide bande qui m’ont kidnappé ! Je suis un important membre de l’Ordre ! Posez-moi tout de suite à terre !

Le Féra renard la lâche alors et elle tombe comme un sac de sable au sol. Véronica s’agite comme un vers de terre et ne parvient pas à s’extraire du sac, quelque chose s’est prit dans je ne sais quoi et elle tire dessus comme une malade. Wraith vient à sa rencontre pendant que le thé infuse. La peste se fige et fait des « hiiiii ! » de peur avant de voir que ce dernier vient juste l’aider à sortir du sac. Sa jupe noir décousue à un endroit se répare grâce à la magie de son sauveur providentiel qui l’invite à s’asseoir en se présentant. Véronica est pétrifiée. Elle vient de savoir que Wraith est mon père et qu’il est un dragon. Peut-être qu’ainsi elle me fichera la paix ? J’espère. Elle s’assoit droite comme un « i » et ne l’ouvre plus.

- Enchanté dragon Wraith ! Déclare le Féra. Je suis Nikaïdo Van Wasmeier, chef de la guilde Hellébore.

- Vous savez… Vous pouvez tous m’appeler Wraith et me tutoyer, je n’ai pas pour habitude à autant de… Cérémonie. Le thé va être prêt nous pourrions simplement nous asseoir pour discuter.

On prend alors tous place pendant que les théières s’envolent et servent leur contenant dans chacune des tasses. Évidemment, je prends la place à côté de Wraith qui est au bout. L’autre revient à Aurore. Si quelqu’un tente quoi que se soit de mal sur Wraith, je suis prêt à l’exploser.

- Ne t’en fais pas Tyr, tous va bien.

Halsim est à côté d’Aurore, elle aussi prête à en découdre à la moindre entourloupe.

- Merci d’avoir réuni mes enfants Halsim, je savais que je pouvais compter sur ton aide. Fait Wraith en lui souriant pour la détendre.

Connaissant Wraith, il a mit des herbes qui plairont forcément à n’importe qui car c’est un de ces trucs magiques qu’Amos lui a apprit. Wraith a laissé une place vide, il regarde l’entrée de la tente et c’est à ce moment-là que débarque Glendor. Je l’ai peu vu… En même temps il traîne plus avec Amos qu’avec lui mais on s’est vu quelques fois. A la vue de Wraith, le vieux portant un bouclier écarquille ses yeux de ses sourcils touffus et s’exclame avec une voix forte de vieillard.

- Oooooh ! Mais c’est mon pote Wraith ! Comment ça va l’ami ? Lui demande-t-il familièrement au grand étonnement général.

- Très bien ! Je suis heureux de pouvoir venir en personne revoir mes enfants et rencontrer leurs familles et amis. Prend place, je nous ai fait du thé.

Je regardai avec amusement toute cette petite bande faire connaissance. C’était plutôt amusant en vérité de voir les uns et les autres se chamailler ou rigoler ensemble. Ce fut encore plus étonnant de voir Glendor, le Forgemage, tutoyer Wraith comme un vieil ami. Je les regardai tous les deux avec surprise, je ne fus d’ailleurs pas la seule à avoir cette réaction.

« Du thé ? Bouarf ! Pas trop mon truc, mais attends… Tu viens de dire quoi, là ? Tes enfants ? Je savais même pas que tu en avais !
- Oh… Et bien je te présente Tyr, que tu dois peut-être connaître, puisqu’il fait parti de l’Ordre, et voici Aurore.
- QUOI ? Aurore c’est ta fille ? »

Il me dévisagea, ne comprenant pas trop comment c’était possible.

« Mais… Elle est au courant, au moins ?
- Oui, ne vous en faites pas, Glendor. » répondis-je. « Il me fallait juste un petit coup de pouce pour m’en rappeler.
- Ben saperlipopette ! Hééé ! Mais du coup… Elle a deux papas ?
- Et oui ! » dis-je avec un large sourire. « J’en ai de la chance, non ?
- Ah ah ah ah ! C’est vrai ! » s’enthousiasma Joseph. « Avec deux pères pareils, on peut dire que notre petite Aurore vise dans l’exceptionnel.
- C’est plutôt moderne ! » avoua Glendor. « Alors, c’est quoi l’histoire, exactement ?
- Et bien… Joseph est mon papa de Midgard, et Wraith… Et bien il était le papa que j’avais sur Arcaëlle. »

Glendor écarquilla les yeux de stupeur et me fixa attentivement. Il en était bouche bée.

« Tu es… une célestienne, toi aussi ? »

Halsim se leva d’un bond et dégaina sa dague avant de la planter dans la table devant elle. Elle cracha par terre et lança un regard noir à Glendor comme s’il l’avait insulté.

« Célestienne ? C’est ce mot que vous utilisez pour nous autres, comme si nous devions être honteux du monde d’où l’on vient !! Pourquoi ne pas dire arcaëllienne ?
- Allons, Halsim, ce n’est pas la peine de s’énerver, voyons ! » intervint Wraith. « C’est une règle que nous avons dû instaurer pour vous permettre de vivre ici, sur Midgard. Il ne fallait pas que le monde entier le sache, et si les gouvernements de tous les états de Midgard commencent à apprendre qu’ils sont désormais en présence de milliers d’âmes d’un même monde… Cela pourrait créer de graves problèmes.
- Wraith à raison, petite ! » grogna sévèrement Glendor. « Il ne vaut mieux pas crier sur tous les toits que vous êtes d’Arcaëlle, un seul et même monde, sinon de quoi, les états pourraient craindre une invasion, ou pire encore. Il y aura alors des chasses afin de retrouver les vôtres et tous vous exterminer jusqu’aux derniers. C’est pour vous protéger que nous faisons cela. Vous avez déjà perdu votre monde, alors essayons de ne pas perdre cette seconde chance que vous avez.
- Je sais me défendre seule, sans votre aide, vieillard ! Je n’ai pas besoin de l’Ordre. Je veux être fière de dire que je suis arcaëllienne et ne pas me cacher derrière vous. » protesta Halsim.

Tout le monde sembla embarrassé par la situation. La discussion aurait sans doute mérité de ne pas être le spectacle de cette assemblée qui n’était en partie pas concernée. Je saisis le bras d’Halsim et la regarda droit dans les yeux.

« Hé ! Doucement, Halsim. Ce n’est pas grave. Ce n’est vraiment pas grave. L’important, c’est qu’on se soit retrouvés, non ? » lui dis-je avec un sourire naïf.
« Mais c’est… Grrrr… Très bien… J’ai compris, je laisse tomber. » pesta-t-elle avant de se rasseoir et récupérer sa dague pour la ranger à son fourreau. « Tsss…
- Tu m’as manquée, Halsim. » lui dis-je en me serrant contre elle.

Elle sembla embarrassée et se mit à rougir tout en essayant de m’écarter un peu d’elle.

« Oui… heum… C’est bon… j’ai compris, tu n’es pas obligée de me coller comme ça… » soupira-t-elle.
« A la bonne heure ! » s’esclaffa Glendor.
« Le thé est prêt ! » déclara Wraith.

Mon père claqua des doigts et les tasses se posèrent devant chacun. Tout le monde le regarda d’un air hébété, sauf Leandra qui s’en amusa et fit un grand sourire avant d’incliner la tête en signe de remerciement.

« Hummm… Cannelle, avec une note de safran… je décèle élégamment une note de menthe et de miel. Choix intéressant ! » s’exclama ma sœur avec enchantement.
« Oh ? » m’étonnai-je. « Ce n’ai pas ce que j’ai. Je sens plutôt une note de vanille, avec… humm… comme un goût de meringue et de citron.
- Ah ah ! C’est normal ! Chacun d’entre vous à son propre thé ! » déclara Wraith avec amusement.
« Oh ? Sérieux ? » s’étonna Fenyx. « Attend !! Faut que je goûte ça ! Hummm… Oh ! Note de raisin, de miel… humm… je sens comme du thym et du romarin aussi. Wouw ! C’est carrément mon délire ! Ah ah ! Merci Wraith !
- Et bien… il ne t’a pas fallut longtemps pour te montrer si familière… » bougonna Halsim.
« Tu rigoles ? Wraith a l’air d’être le dragon le plus cool de Midgard ! Ah ah ! Évidemment que ça donne envie d’être cool avec lui.
- Mais oui, voyons ! Je leur ai demandé de ne pas m’appeler Monsieur, dragon, ou je ne sais quoi. Juste Wraith, ça suffit, Halsim. Ne t’en fais pas.
- Pfff… Mouais… Et bien ça ne serait pas la même si elle… »

Halsim s’arrêta net, comme si elle avait réalisé que ce qu’elle allait dire était trop cruel. Je la regardai avec interrogation et elle se mura dans un silence de marbre. Je ne comprenais pas bien ou elle voulait en venir. Elle en avait trop dit ou pas assez pour le coup.

« De quoi est-ce que tu parles ? » lui demandai-je.
« Rien ! Buvez ! » pesta-t-elle en serrant les dents.
« Hé hé hé ! Et ben moi je vais rajouter un peu de gniole ! » ricana Glendor en versant un peu d’une flasque en argent dans sa tasse.
« Il n’est même pas midi, bon sang… » grogna une voix grave et familière que je reconnu immédiatement.
« Oh !! Maître Caïn ! Vous vous joigniez à nous ? »

Tout le monde se tourna alors vers Maître Caïn. Personne ne l’avait vu venir arriver, sauf peut-être Wraith et Leandra qui ne semblèrent pas surpris. Il y avait d’ailleurs une place et une tasse de libres à la table. Mon père avait visiblement prévu son arrivée.

« Ah ! Mon vieil ami ! » s’exclama Joseph. « Tu tombes bien ! Et si nous commencions les présentations, hum ? »

Caïn avait profité de la sortie de demoiselle Belmont peu après ses explications sur sa nature pour lui aussi s'éclipser en refusant poliment l'invitation à boire de Glendor et Joseph. En réalité durant toute la petite réunion entre Tyr et Aurore puis Wraith, le maitre des ombres avait du assouvir sa faim d'énergie spirituelle pour restaurer la sienne. Il avait rapidement trouvé un cerf elfique dans les bois au pelage d'argent et après une traque rapide mais sans aucunes chance pour l'animal, l'énergie de l'animal avait renflouer celle de l'humain mutant pour encore les quelques prochains jours. Mais ce processus même si il était vitale, n'en était pas moins quelques choses de désagréable pour le lochrann, même si dans les faits ce n'est pas son âme qu'il avait consommé, une partie des émotions négatives lié à la mort proche de l'animal filtrait dans l'énergie consommer. C'est pour ça qu'il préférait les gemmes de lumoria d'âme, mais cela, mieux valait il ne pas les sortir du manoir. Il était revenu à toute vitesse en ressentant l'énergie du dragon approchant.

Quand il avait entendu les rires et sentis que l'entité était une entité "ami" en approchant du camps, il s'était permis un détour par ses propres serviteurs. Les mages étaient perturbé par la présence du dragon, son énergie bien visible par leurs équipements enchanté pour le contrôle des golems. Il décida d'aller à la rencontre de ce "dragon". Même si... Les lochrann avaient un rapport très particulier aux êtres divins et apparenté.

Usant du même stratagème que plus tôt dans la matinée, il profita donc de la petite scène avec Halsim. Elle aussi donc était de cette autre monde. Caïn n'avait pas d'apriori sur ces gens. Il les considéraient comme els réfugié d'un conflit lointain, et il était plus ou moins en accord avec l'assassin de Samdal'Han.

Sortant des ombres à nouveau provoquant quelques hoquets de surprises en fixant le dénommé Wraith. Il commenta avec une certaines désapprobation l'abus d'alcool du forgemage. L'aura du lochrann que Wraith et Léandrah pouvait voir sans problème était clair. Il n'avait aucune confiance en cette entité, seule le fait que Aurore semble le connaitre le confirmait comme un "allié" pour l'heure. L'homme des ombres avait aussi remarqué une certaine modification dans l'aura d'Aurore, comme si elle avait enfin réussi à harmonisé quelques notes discordantes de son âme. Il se tint bien de ne pas tenter d'interprété l'aura d'un dragon sous forme plus ou moins humaine et littéralement extra-midgardien.

"Salutation maitre Wraith. Je suis Caïn, Légat de la communauté de commerce de Caeldonia. ET derniers représentant de l'autorité de la nation du Lochrann Docaïs. Notre devise était en substance "Ni dieu, ni roi. Seulement l'homme." Dit poliment mais sombrement le mutant. Il tourna son regard vers Halsim. "Veuillez excusez mes compatriotes de Midgard maitresse Halsim, il y'a encore trois siècles il s'entretuaient et détruisaient tout pour savoir qui de ceux qui ont des oreilles rondes ou pointues est digne de respirer ici bas. La civilisation est un concept qui leurs est encore récent."

Cela c'était parcontre une pique assumé pour les explications que le lochrann jugeait "ridicules et non avenu" donné par Glendor sur les raison du secret de la présence des arcaëlliens ici bas. Le maitre assassin avait d'ailleurs fermé son être de manière catégorique à l'aura de calme émise par Wraith. Et il ignora volontairement la tasse de thé devant lui. Il ne continua pas dans son attitude rébarbative envers le dragon néanmoins, voyant dans l'aura d'Aurore que cela l'attristait comme situation. Part trop d'aspect, l'enfant de son ami lui rappelait sa nièce, et c'était bien la le meilleure moyen d'atteindre l'humanité de l'assassin.

"Mais je vais laisser à mon "vieil" ami Joseph la joie de se présenter également. Je sens qu'il n'attend que cela, pouvoir se présenter avec force anecdotes sur ses aventures romanesque." Dit le lochrann avec un sourire en coin. Ajoutant avec un air amusé. "Vous en aurez pour votre argent aussi avec notre ami renard, ces deux là sont du même bois."

Je n’avais pas senti l’homme approcher, nappé dans ses draps d’ombres. Il s’est montré je pense uniquement par curiosité. On avait beau m’avoir expliqué qu’être de la nature des ténèbres ne fait pas de la personne une cible à abattre j’ai encore du mal avec ce concept. Sûrement parce qu’à Arca’ tous ce qui y ressemblait étaient à bannir, à purger et à annihiler. J’ai bien été en contact avec des gens de cette magie mais je n’ai jamais été en présence d’un être comme ce Caïn dont j’ai déjà oublié la plupart de ses titres qu’il annonce avec une certaine fierté. J’ai aucune idée de ce que cela est un « Lorchrann » ou un « légat ». Cela veut dire quoi exactement un « représentant » ? Surtout si c’est le dernier ? Peut importe, cet être étrange enveloppé d’une toile le gardant bien de s’inviter au reste de la tablée regarde Wraith d’un air mauvais. D’ailleurs, pas uniquement lui. Glendor aussi. Puis, à en juger sur ses frasques concernant les Midgardiens, il semble ne pas aimer grand monde. Un autre pédant se croyant au-dessus de tous le monde parce qu’il a de jolies titres sans doute. Il ne mérite pas l’intention de Wraith. Pourtant, ce dernier le regarde également sans défaillir. J’aurai imaginé qu’il soit gêné et dans l’inconfort mais Wraith est devenu un peu plus assuré. Sûrement parce qu’il connaît son sujet. Halsim ne répondit pas à Caïn, elle se contenta de le fixer pour le jauger, le menton haut.

- Bonjour monsieur Caïn. Je suis désolé si ma présence semble vous importuner.

- Je ne suis pas sûr que ça vaille la peine de lui répondre… Dis-je en grommelant.

- Ce n’est pas grave ! Me dit-il avant de reporter son regard sur Caïn. Nous n’avions pas vraiment de devise particulière dans notre ancien monde. Et si je dois aussi donner des titres… Eh bien je suis Wraith Dorcas, sorcier des dimensions, Dragon divin céleste et gardien des âmes égarées d’Arcaëlle. Je n’ai plus l’habitude de côtoyer du monde, désolé si je ne me suis pas présenté ainsi directement. Il faut dire qu’avant la chute j’étais un simplement Wraith Dorcas aux yeux de tous… Et j’avais construis une famille et des amis dont ces trois-là font s’ils le désirent encore parties. Ah si vous m’auriez vu bafouiller devant les grands de votre monde… Il ricane légèrement. Ni vraiment un être divin comme eux et plus un simple mortel.

- Mais ! Pourquoi tu lui dis ça ?! Fais-je en Arcaëllien, outré. Puis t’es un être divin d’abord, tu ne vas pas mourir !

Wraith se contente de me sourire pour me rassurer, il allait prendre ma main mais se ravise. Il m’adresse juste un sourire sincère, remplis d’émotions et je sens en lui via ma connexion un certain espoir dans son infini tristesse. Je viens alors de comprendre quelque chose sur lui. J’en reste figé, incapable de suivre à nouveau la conversation. Je me mur dans le complet silence, regardant le thé que je n’ai même pas touché.

- Quoi qu’il en soit, chaque époque et chaque monde ont leurs hauts et leurs bas ne jugez pas trop vite vos compatriotes monsieur Caïn. Hum… Bon ! Fini de philosopher pour aujourd’hui, profitons de cet instant. Effectivement j’aimerai beaucoup entendre vos récits et vos aventures monsieur Joseph. Comment avez-vous trouvé Aurore ? Oh ! Aurore n’aurai pas pu tomber sur mieux car déjà avant elle était une petite fille aventureuse !

Je relève le nez un moment et vois que les discussions entre les membres de la tablée battent leur pleins. Pfft’… Je sors calmement de la table pour aller me soulager quelque part puis en profite pour être enfin seul. Quel piètre consolation d’être un putain de dragon divin ! Si notre monde a chu c’est uniquement parce que nos sois-disant « dieux » n’ont pas été capable de nous protéger ! Puis ils se sont servit de Wraith pour se faire bonne conscience puisque c’est le seul qui pouvait transporter des âmes entre les mondes. Cela peut paraître un peu ingrat car après tout je suis en vie grâce à eux. Mais au prix du bonheur de Wraith, d’Anna et de Sylvester. Rebecca, enfin Aurore a pu se refaire dans ce monde. J’en suis sincèrement heureux pour elle mais… Il y a des âmes qui ne pourront plus être ensemble. En fait, c’était sûrement ce qu’il lui est arrivé de mieux. Peut-être même aurait-il été préférable qu’elle ne se souvienne pas de nous. Lorsqu’elle va poser la question fatidique : « Où est Anna ? » Qu’est-ce qu’on peut lui répondre ? Je ne sais pas ce qu’il lui ai arrivé, Wraith en parle jamais. Pourquoi n’a-t-elle plus la première personne à l’avoir sortie de sa misère et la première à l’avoir aimé ? Aucune idée. Elle ne peut pas se contenter d’un «j’en sais rien ».

Tiens… Je ne peux pas aller plus loin. Ils font je ne sais quoi dans des combinaisons étranges. Je rebrousse chemin et marche à travers les champs. Le Caïn a un peu raison quand-même en disant « ni dieu, ni roi. Seulement l'homme. » car on peut compter que sur nous-même et parfois ben ça ne suffit pas. Wraith c’est différent il était un homme et se farcir des dieux qui ne comprendront jamais ce que c’est bah forcément il n’est pas prêt à se mélanger à eux. Aux dragons ? Peut-être, mais il ne m’a jamais parlé de visites de dragons. Et là qu’il veut être parmi de simples Midgardiens, il y en a forcément un qui crache sur lui. Chienne de vie ! Tu m’étonnes qu’il espère un jour retourner dans le cosmos et redevenir poussière ! Il n’a plus l’amour de sa vie, ne peut pas être tranquille avec ses enfants et doit répondre à sa mission sacrée ainsi qu’aux exigences des divinités concernant la venue des âmes arcaëliennes dans leur monde ! Il passe son temps seul entouré d’âmes meurtries qu’il tente d’insuffler de l’espoir ou au moins de la paix et c’est qu’en plus si y’avait possibilité des gens viendraient le faire chier pour ses erreurs, lui qui n’a même pas un demi-siècle et qui n’a rien demandé ! Et il ne dit jamais rien lui. Il n’aura jamais ce qu’il mérite mais il ne dit jamais rien. Il se contente d’espérer qu’un jour que son énorme vide s’arrête. A sa place je serais tellement en colère ! J’aurai choisit un endroit pénard sans divinité et y installerais les gens sur une planète toute vierge et viable où et je serais parmi ma famille tranquille !

Merde. Je me suis trop éloigné. Bon bah demi-tour.

- Hé ! Toi ! Mon garçon !

Hein ?

- Dit, toi qui semble avoir de l’énergie à revendre tu ne voudrais pas m’aider ?

Je regarde mon interlocuteur qui lui, semble avoir aisément passer sa moitié de siècle. Malgré tout, il a de la carrure et est visiblement entrain de couper des arbres marqués. Je vais vers lui et le type m’explique qu’il veut vite terminer son travail avant la nuit. Couper des arbres et les foutre dans une tranchée ? Pourquoi pas ça me changera les idées. De toute façon je n’avais pas la tête à retourner auprès des autres. Autant passer ma colère sur quelques arbres.

Je souris aux dernières paroles de Wraith. C’est vrai, j’ai toujours été très curieuse et les adultes que j’ai connu m’ont toujours inspiré le goût de l’aventure. À présent que j’en étais une aussi, je pouvais pleinement m’y consacrer, à ma manière. Joseph n’avait fait qu’entretenir cette passion, du fait de sa personnalité et de son métier. Autant dire que je n’avais rien perdu de ce côté là.

« Ah ah ! Est-ce que je vous ai parlé de notre dernière aventure à Suméria ? » demanda Joseph qui brûlait d’envie de tout raconter.
« Tu veux dire… cette aventure où ont à réchappé de peu à une secte de cannibale tueurs d’enfants… ? » soupirai-je.
« Aaaah ah ah ! Celle-là même ! Mais souviens-toi qu’on a quand même trouvé ce qu’on été venu chercher !
- Ne le dis pas tout de suite, tu gâches le suspens, papa ! » le grondai-je.
« Oh… Shit ! Tu as raison ! »

C’est alors que Joseph s’est mis à nous raconter le récit de cette aventure, aider parfois de Karel qui rectifiait des erreurs de sa part, ou des exagérations. Pour ma part, Je les écoutais avec le sourire aux lèvres, heureuse de les voir si bien s’entendre avec Wraith et le reste de notre petite compagnie. Hellébore semblait faire fi de ses peurs sociales et était absorbé par le récit de Joseph, voir parfois horrifiée par les détails qu’il racontait sans pouvoir décrocher de l’histoire. Je regardai tout ce petit monde avec beaucoup de joie avant que mon esprit ne commence à errer dans des endroits qu’il aurait peut-être mieux valu éviter. Les paroles de Wraith en était sans doute la cause, car je repensais à ma vie d’avant, tentant de me remémorer les personnes m’ayant inspiré la passion de l’aventure, et un visage me revint en mémoire… Un visage familier, un présence à la fois terrifiante et rassurante… Puis un nom : « Anna ».

Joseph était encore en train de parler de notre aventure à Suméria quand je constatai que Tyr était parti dehors. Je fit la grimace, me disant que ça lui ressemblait bien et qu’il n’avait pas tellement changé.

« Il n’aime toujours pas la compagnie… Quel tête de cochon ! Si Anna avait été là… » me dis-je.

Anna… Oui… Maintenant son souvenir m’était plus clair à présent. Anna… Ma mère adoptive, cette grande guerrière à la peau pâle et aux cheveux blonds platine… Je me souviens de ses yeux couleur or, de sa prestance. Elle était si belle, si imposante, toujours si bien habillée. Qu’était-elle devenue ? Je devais certainement avoir une tête incongrue car Leandra et Hellébore avaient posé les yeux sur moi avec inquiétude. La première me demanda alors :

« Est-ce que tu vas bien ?
- Je… oui… oui… Je… J’avais juste quelque chose qui me tracassait en tête. » répondis-je.
« Tout va bien, Aurore ? » me demanda Wraith.

Joseph s’arrêta dans son récit et me fixa, lui aussi inquiet.

« Je… Je… Wraith, excuse-moi, je suis vraiment très heureuse de te revoir, et Tyr aussi… mais… mais vous revoir me rappelle aussi quelqu’un d’autre, et je n’arrive plus à penser à autre chose. »

Je vis halsim se crisper, et Wraith, bien qu’il gardait un air serein, sembla craindre mes prochaines paroles.

« Est-ce que… Est-ce qu’Anna viendra, elle aussi ? Où est-elle ? »

Halsim se leva brusquement, l’air fermé, les mâchoires crispées.

« Je… J’ai besoin de faire un tour ! » dit-elle subitement avant de quitter la tente avec empressement.

Glendor avait l’air sombre. Il jetait des regards inquiets à Wraith et moi. Il semblait plutôt embarrassé et passa une main dans sa barbe en se grattant le menton. Il soupira bruyamment, visiblement très gêné. Savait-il quelque chose ? S’il savait, la vérité semblait ne pas être plaisante, mais il fallait absolument que je sache. Je commençait à redouter le pire.

« Si tu n’as pas le cœur à lui dire, mon bon ami Wraith, je le ferais. » soupira le Forgemage. « Après tout, elle ne se contentera sûrement pas d’un : « je n’en sais rien. », et je comprendrai que tu n’ai pas le courage d’en parler toi-même…
- Comment ça ? Vous savez où se trouve Anna ? » demandai-je à Glendor.

Le vieil homme soupira et eut l’air abattu. Je vis ses yeux s’humidifier malgré qu’il gardait un air grave et impassible. C’était sûr, à présent, il savait quelque chose, et il était arrivé quelque chose de grave à Anna.

« Nous devrions peut-être en discuter en privé… Non pas que je n’ai pas confiance en vous autres, mais cela concerne votre famille, à Wraith et toi. Vous n’aurez peut-être pas envie que tout le monde soit là. C’est… délicat… »




C’était trop pour moi, je ne pouvais en supporter d’avantage. Je savais que ce moment arriverait mais je ne pouvais m’y résoudre. Non… Je ne voulais pas savoir, je ne voulais pas entendre ça, ni voir la petite pleurer. C’était au-dessus de mes forces. Il fallait que je m’en aille, que je parte loin. Mais où ? Qu’est-ce que tu vas faire, Halsim ? Quelle est ta raison de vivre dans ce monde ?

Je m’arrêtai un instant… J’avais parcouru des centaines de mètres sans m’en rendre compte, bouleversée comme j’étais, moi, la froide assassine qui ne tremblait même pas en découpant la gorge des mes ennemis. Qu’est-ce qui m’arrivait ? Pourquoi je laissais cela me troubler autant ? Cela n’avait aucun sens. J’étais une arme, une machine à tuer, une ombre qui est là, et qui attend d’apporter la mort. Pourquoi j’étais émue à présent ? Je me ramollissais, décidément. Pourtant il me fallait bien une raison d’exister… A quoi bon être une arme si l’on est jamais brandie pour une cause ?

Je fixais à présent le ciel, l’air déprimé, cherchant une réponse à mes questions. Que devais-je faire à présent ? À quoi bon vivre ? Anna… Elle m’avait confié Dewey et Rebecca… Et alors quoi ? Tu vas les abandonner ? Elle dirait quoi si elle savait que tu les laisser sans défense ? Pfff… Elle n’est plus là, et ils sont grands maintenant. Ont-ils encore besoin de moi ?

Je me posais la question, et tout en pesant le pour et le contre je finis par me décider.

« Oh, et puis merde ! Je n’ai que ça à foutre de ma vie, de toutes façons. Je dois y retourner. »

Je fis alors demi-tour, consciente que je devais être présente pour eux, que ma vie ne se résumerait plus qu’à ça désormais. Je n’avais pas d’autre but, pas d’autre raison d’exister, alors pourquoi le rejeter ? Il fallait que j’embrasse ma destiné, plutôt que de lutter contre. À quoi bon de toutes manières ? Alors que je revenais sur mes pas, j’entendais des coups de hache s’abattre sur un arbre. Je me tournais en direction du bruit, cherchant la raison de ce raffut et aperçus alors la source. Tyr étais en train de découper un arbre à la hache, accompagné d’un vieux qui en faisait tout autant mais s’était visiblement arrêté pour reprendre son souffle. Je vins à eux, curieuse de savoir ce que pouvait bien foutre mon protéger.

« Tyr ? Mais qu’est-ce que tu fous, bordel ? C’est qui ce vieux ? »

Wraith paraît serein malgré ce nom prononcé de la bouche de sa chère enfant. Un nom qu’il n’avait pas entendu depuis que Tyr, encore Dewey à ce moment-là le prononce. Halsim aussi l’eut déjà prononcé. Et jusqu’ici, aucune personne se souvenant d’elle eu de de réponse de la part de Wraith. Il était resté interdit face à leur multiple demande. Anna. Voilà un nom qui a de quoi ébranler l’air paisible de Wraith. Glendor même se montra très prévenant envers son ami dragon. Lorsqu’il évoque la confidentialité du devenir d’Anna, Nikaïdo fit la moue. Il aurait bien voulu tous savoir. Il n’était pas le seul mais le renard ne cacha pas sa frustration qui se lit sur son visage.

- S’il vous plais. Déclare alors le dragon qui opta pour l’idée de la confidentialité de la révélation. Je suis désolé de vous pousser ainsi mais j’ai hélas quelque chose de difficile à dire à mes enfants. Hum… J’aurai bien aimé que Tyr et Halsim soient là.

- Je vais les chercher. Déclare Léandra qui sembla savoir où ils sont.

- Bien, merci dame… Léandra. Vous pouvez rester Joseph, vous êtes aussi son père et elle aura besoin de vous.

Wraith sembla se rattraper lorsqu’il s’adressa à Léandra. Avait-il juste oublié l’espace d’un instant son prénom lorsqu’elle lui fût présentée ? Ou bien est-ce autre chose ? Il fait mine de rien, laissant Léandra aller chercher les deux « Urukéens ».

- Oh… Vous êtes sûr ? S’étonne Joseph.

- Oui, je vous fais confiance et puis vous faites partie de la famille.

Glendor fait décamper un peu tous le monde, personne sauf un peu Nikaïdo ont été difficile à faire partir. Le vieux est persuasif bien qu’il ne faille pas plus que cela pour tous de faire respecter le choix du dragon. Non pas parce qu’il est intimidant mais plutôt parce qu’ils comprennent (sauf concernant Véronica) que cela sera dur pour Aurore et pour elle, ils s’en vont. Même Nik’ qui est si curieux fini par partir non sans une petit tape derrière la tête de Lena Lee. Le renard blanc se contenta alors d’attendre ni trop loin ni trop près tout comme le reste de sa guilde. Ella est nerveuse, elle ne sait ce qui attend Aurore mais en ressentant toute la peine de Wraith, elle fait l’éponge et se blotti contre son protecteur pour libérer la tristesse qui la traverse. Nik’ la prend dans ses bras et se jura de demander au dragon si sa petite cheffe de guilde est aussi comme eux : une arcaëllienne.



Alors que le vieux me regarde avec étonnement tout en étant essoufflé que j’ai déjà abattu tant d’arbres, Halsim arrive à notre encontre. Elle me demande à juste titre ce que je fou et qui est ce vieux. Ceci m’arrête net dans mon élan meurtrier d’arbres innocents. Le vieux parla à ma place avant que j’ai pu placer un mot.

- Ne le coupez pas ! Il a déjà fait bien plus que moi à son âge ! C’est un bûcheron né !

N’importe quoi… .

- J’ai juste vu une occasion de me défouler sur quelques arbres… . Dis-je en Arcaëllien. Franchement… C’est bien la première fois que j’use d’une hache pour son utilisation primaire. C’est un bon moyen de gérer sa colère je trouve, j’aurai dû faire ça plus tôt plutôt que leur méthode à la Citadelle… La « méditation » pfft’… C’est plutôt un moyen rapide et efficace de me mettre encore plus en rage. Ils sont bizarres les Midgardiens. Tu es venue parce qu’on me demande ?

- Non. Répond l’assassine sous cette même langue venu d’ailleurs. Tchhk’… Je suis venue m’assurer que tu ne faisais rien de-

- Hé oh ! Je suis là vous savez ! S’écrit le vieux impatient.

Soudain, apparu de je ne sais où et sans que l’on puisse la sentir, la femme bizarre qui accompagne Aurore. Cette elfe étrange et mystérieuse nommée Léandra nous regarde sans avoir l’air de se poser de question de la situation. Depuis quand était-elle là ? Halsim et moi sommes sur la défensive tandis que le vieux est visiblement perdu. Si cette femme est venue nous chercher Halsim et moi, c’est qu’Aurore ou bien Wraith nous demande. Nous nous échangeons des regards et l’elfe céleste sourit. Elle nous invite à la suivre ce qui met définitivement fin à ma « carrière » de bûcheron. Je pose la hache sur tronc puis rejoint les deux autres.

- Mais euh… Tu ne restes pas ?

- Non le vieux. Mais merci pour ce moment de… herm… Méditation active. Lui fais-je.

Nous nous hâtons silencieusement vers la tente et voit sur le chemin que presque tous le monde n’y est plus. On s’échange des regards avec Halsim, entre l’interrogation et la méfiance. Il reste dans ce réfectoir de fortune seulement Wraith, Aurore, Joseph et Glendor. Léandra nous laisse et couvre l’entrée en restant placée devant comme une gardienne.

- Venez tous les deux, il est temps que je vous parle d’elle.

Je ne sais pas pourquoi mais je su immédiatement de qui Wraith veut parler. Je fais de grands yeux stupéfaits et m’assoie sans pour autant me rapprocher de la table par le suite. Près de Wraith, je sens son profond chagrin malgré son sourire rassurant quelque peu effacé. Pourquoi le vieux reste avec nous ? Il n’est pas de la famille. Encore Joseph bon… Pourquoi pas même si pour moi c’était pas indispensable mais lui ? Il sait quelque chose. C’est certain. Je le toise du regard, le scrutant pour savoir sans que Wraith ne prononce le moindre mot. Mais le vieux malgré son air grave ne laisse rien paraître.

- Je n’en parlerais qu’une fois. Peut-être deux… Mais Grégoire n’étant pas présent… . Herm… Je m’égare. Herm…

Wraith est de plus en plus confus, son sourie se délite et ses yeux reflètent de moins en moins d’étoiles et les couleurs vives de l’Univers. Elles laissent petit à petit place à quelque chose de semblable à une nuit sombre, les nuages cachant le ciel ainsi qu’une Lune pâle et diffuse.

- Lorsque j’ai commencé à devoir m’occuper des âmes arcaëlliennes j’ai été un peu égoïste… J’ai commencé par ma famille et mes proches amis. Je voulais tous vous tirer de vos sombres pensées de vos esprits torturés. Certains d’entre vous ont été rapide et d’autres non. Grégoire est le premier que j’ai réussit à tirer de l’étreinte de son esprit perdu. Il a une capacité de résilience surprenante et j’ai donc fait dans la foulée sa famille pour les installer sur Midgard. Grégoire est le premier être que j’ai reconstruit physiquement et aider à appréhender ce nouveau monde. Je ne connaissais pas encore l’Ordre ni quoi que se soit à vrai dire… J’ai juste eu la bénédiction des Dieux pour placer des âmes ayant ardemment envie de vivre. Si vous êtes ici, vivant en ce plan avec vos souvenirs de votre vie d’avant c’est que votre désire de vivre est bien plus intense que vos sombres pensées. Enfin, exception faite pour toi Aurore.

Wraith la regarde avec culpabilité.

- Je suis désolé… Je n’ai pas pu te débarrasser de ce maudit être. Je ne le savais pas caché et je pensais qu’il avait péri dans le chaos d’Özan. Mais sa nature est autre, il n’est pas issu du dieu du chaos. Une telle aberration… Herm… Ayant faillit et t’ayant perdue, je devais être plus vigilent et je ne voulais plus que cela se reproduise. C’est ainsi qu’un dieu m’a indiqué une personne pouvant m’aider dans ma mission : l’Archimage Amos. C’est ainsi que j’ai pu continuer, c’est pour cela que je me suis lié à l’Ordre et à Glendor aussi.

- Et Anna ? Interrompe Halsim fixant Wraith.

Il eut un petit silence avant que Wraith reprenne en fixant un point imaginaire la tête basse.

- J’ai beau m’être entraîné, avoir été maintes et maintes fois au plus profonds de ses ténèbres, retenter le coup pendant des années et… Des années… Je n’ai pas réussi à la ramener. Elle…

Il déglutit, son cœur battant de plus en plus vite et ses mots trembles.

- Je n’ai pas pu… J’ai essayé… Recommencé… J’ai tenté bien des choses… Je…

Je sens son être qui se serre, se meurtrie. Il ne diffuse aucune tristesse rien qu’un vague fond de calme mais étant lié à lui je ressens alors le puits sans fond de son chagrin. Je me noie dans sa douleur et me tiens sur la défensive comme si je me faisais attaquer de toute part. Mais c’est son cœur et son esprit à lui qui est assaillit, pas le mien ! Pourquoi suis-je autant lié à lui ? Pourquoi y’a que moi qui semble être si mal ? Je ressens comme une furieuse envie de le défendre, de le protéger d’une menace invisible. Qu’est-ce qui cloche chez moi ? Est-ce l’un des dons qui s’est manifesté ?

- Pour reprendre après mon ami, déclare Glendor, il a fait appel à note aide à Amos et moi. Ce qui va suivre devra rester entre nous les jeunes. Anna ne pouvait pas rester indéfiniment dans le plan de Wraith, comprenez que les âmes restantes sont encore plongées dans leurs songes, torturées par la chute et leurs souvenirs. Alors on a décidé de diriger les ténèbres d’Anna et elle-même dans une idée où elle ne se torture plus elle-même. On a fait d’elle une arme spirituelle d’où ma présence avec vous. Je ne saurais que trop vous conseiller de ne pas me demander de la voir, vous en souffrirez pour rien et Anna ne se souviendra pas de vous.

Wraith ne dit plus un mot, il reste muet comme lorsque je lui demandais encore et encore où se trouve Anna. Je fixe avec de grands yeux Wraith qui n’ose pas nous regarder, le regard plus que fuyant. Je me lève brusquement, sentant qu’il s’attend à une montagne de reproches, de questions et d’amertumes. Alors que je suis à sa gauche, proche de lui, il prend son courage pour nous regarder les yeux pupilles entièrement noirs et les larmes coulantes. Il attend son jugement en tressaillant. Alors c’est ça qui lui est arrivé ? Anna n’est plus là ? Depuis combien de temps … ? Pendant combien de temps tu… ? Alors elle ne reviendra jamais… . Anna est définitivement perdue… ? C’est ça le trou béant dans sa poitrine ? Ce qui lui donne envie de disparaître dans au confit de l’espace fini ou infini ? Anna est perdue à jamais ? Je prends aussi mon courage et en coupant ma respiration quelques secondes, je le prit dans mes bras. Je ne sais pas comment exprimer ce que je ressens à l’instant. Silencieux comme à mon habitude, je serre Wraith en ayant les yeux humides. Je sais que ma rage va exploser et je la sens grimper comme une araignée allant au coin d’un mur pour y tisser sa toile. Ma colère n’est pas diriger sur Wraith cependant. Il aurait jamais fait les choses en voulant nuire à Anna, il l’aime beaucoup trop pour cela. Mais pour le moment, ma tristesse remplie bien plus mon être que la rage bien que je sais qu’elle viendra ensuite. Si tout à l’heure couper des arbres a suffit à me calmer un peu, il va falloir bien plus que cela pour la nouvelle crise à suivre.

Il n'était pas nécessaire d'être maître des arts de l'esprits et des émotions pour anticiper la nature des nouvelle qui allaient être annoncé dans l'abri fin et incongru de cette tente au milieu des bois. Caïn était sortie sans faire d'histoire, respectant bien trop le vieux Joseph pour se permettre l'irrespect d'insisté pour savoir.

Dehors, le visage dissimulé sous sa capuche noir et l'ouverture de celle ci entièrement envahi de ténèbres pour le protéger de la lumière, sous le regard de chouette de Léandrah, Caïn et la petite communauté était assemblé en un cercle plus ou moins correcte, certains debout comme Caïn, d'autre assis sur les genoux ou en tailleurs. La relative crainte du maitre de sombres au sujet de la nature des annonces se confirma quand il perçu sans aucun mal l'aura de la tente où se trouvait son vieil ami. C'était une aura d'intense chagrin, de désarroi et dans ce fleuve déchainé la teinte des eaux était emprunte d'une profonde culpabilité. Le légat échangea un bref regard avec la demoiselle elfique qui gardait le lieu de tristesse... Surement l'inquiétude du vieux lochrann fut elle perceptible pour la demoiselle, offrant un sourire rassurant. Caïn hocha la tête, il ne pouvait rien faire de plus pour l'heure.

"Légat?"

Une voix était venu brisé le silence délicat de la scène. la jeune elfe, Blarà fixait son maitre et attendait qu'il l'invite à s'exprimer. Il le fit d'un hochement de tête dissimulé sous sa capuche noir.

"Le chemin jusqu'à l'artefact est sécurisé. Nous sommes prêt à vous accompagner pour éteindre le dispositif." L'informait l'elfe aux cheveux bouclé à la midlandaise.

"Allons y, au moins cette région sera t'elle sécurisé." Répondit l'humain des ombres avant qu'un toussotement derrière lui ne l'engage à se tourner vers un elfe aux cheveux rose. Il sembla au légat qu'il était un membre de la guilde de demoiselle Belmont.

"Accepteriez vous que je puisse vous accompagnez maitre Caïn, je vous prie. J'aimerais pouvoir faire un plan des lieux et étudier les bas reliefs pendant que vous serez sur place."

Alors que le légat acceptait poliment que l'elfe de science les accompagnes, le jeune féra renard se leva lui aussi en assurant qu'il allait aussi accompagner la petite compagnie, se positionnant proche de dame Blarà bien évidemment. Caïn haussa simplement les épaules et à peine fit il un pas vers les ruines qu'une voix qu'il jugea instantanément comme déplaisante se fit entendre. Réclamant de les accompagner.

L'aura de cette femme arrivé avec le dénommé Tyr, déplu tant à Caïn, qu'il se contenta de se tourner vers elle, de la fixer à travers les ténèbres de sa capuche et d'user de l'art de l'aura et des émotions pour lui imprimer une violente angoisse.

"Vous avez l'air d'avoir fait un long voyage, vous devriez profiter des tentes de bains du camps." Emis la voix lugubre du mutant comme seule réponse audible.

Elle ne demanda pas son reste et partie avec un petit couinement d'inquiétude. Il conduisit alors le groupe dans les ombres des profondeurs de la terre. L'ambiance était plu animé dans la première salle, les machines et les spécialistes de l'ordre encore en plein travail. Si la CCC avait décidé de sécurisé au plus vite un chemin vers la salle de l'artefact, l'ordre cherchait à décontaminé toute la zone. Ils allaient progresser plus vite à présent que les machines de s3C pouvaient les aider à leurs tâches.

Dame Blarà créa des feu sphériques comme des petits soleils bleu qui se placèrent aux dessus des têtes des membres du groupes alors qu'ils s'engageaient à présent à travers le chemin menant aux ruines de la cité.

"C'est absolument merveilleux de pouvoir découvrir ces vestiges! Imaginez qu'ici, les peuples ont bâtis leurs maisons, leurs temples et leurs palais il y'a peut être des siècles! J'ai hâte de recouper les informations de ce site avec les cartes et les ouvrages des peuples anciens en ma possessions à la guilde!" L'enthousiasme de l'elfe Karel était pour le moins un baume de bonne ondes dans ce contexte spatiale étouffant et émotionnel d'inquiétude qui pesait sur les membres du groupe.

"N'hésitez pas à passer à Édimbra à l'occasion maitre Keuning. Le musée sera ravis de vous faire partager les informations que vous pourriez demander." Répondit Blarà avec un ton doux et ravis.

le silence du temps:

Alors que la conversation s'engageaient entre les deux elfes de sciences et d'érudition. Ils arrivaient après un laps de temps de plusieurs minutes à travers un tunnel de roche peu spacieux à la cité en ruine.

"Je préfère indéniablement la version de l'immatériel de cet endroit." Murmura Caïn.

temps oubliés:

En effet, si dans le monde spirituelle, un simulacre de vie persistait. Ici dans le monde matériel, les ruines n'offrait qu'une vision de mort et d'oubli inévitable. Les lumières magiques installé par les golems araignées éclairaient de manière parfois angoissantes des murs de pierres à demi écroulé en des parodie de mâchoire humaines. Nulle pavé n'avaient survécu au temps, ne laissant qu'un chemin de terre et de roche vers l'énorme temple en sablier plus loin. Des lumières de couleurs rouges indiquaient les zones non nettoyer, et mise à part la grande rue principale et le temple, tout était encore souillé par la lumoria.

"Ne vous éloignez pas. Nous ignorons encore beaucoup sur cette endroit." Indiqua Caïn. Soutenu de manière étrange par un Nikaïdo aux aguets et sérieux... Même si il avait tenter quelques approches bateau auprès de dame Blarà sur le trajet.

le temple, de part son état encore à peu près correcte était bien le seul édifice qui permettait à Caïn de recouper ses souvenirs du monde spirituelle du lieu à ceux physique. Ils n'eurent pas beaucoup à patienter. Pendant que maitre Keuning griffonnait vite et avec méthode sur ses grimoires dans la grande salle du temple pour en sécurisé son aspect visuel. Caïn et Blarà approchèrent du centre de la grande salle où trônait toujours l'artefact et la brèche planaire.

Durant leurs approche, des araignées de métal avaient apporté une boite de la taille de l'artefact et attendaient sagement près du maitre des 3C. Ce dernier, approcha de l'artefact et l'examina. C'était bien de facture Lochrann, la peur du légat provenait de savoir si quelqu'un savait à présent comment fabriqué ces machines ou si des gens peu recommandable avaient découvert un des anciens stock d'arme de son peuple.

"Le désarmer va me prendre un instant, je ne dois être déranger sous aucun prétexte. LA magie de la pièce va être impossible à atteindre pour nous tous le temps que j'accomplisse la procédure." Prévint le Lochrann.

"N'ayez crainte dame Blarà, même sans magie, je suis un féroce guerrier, il ne vous arrivera rien." Se vanta le féra immaculé avec un sourire qui ferait fondre bie ndes demoiselles.

"Je n'en doute pas maitre Von Weismer, mais n'ayez crainte. Je doute que la poussière soit un adversaire si terrible." Dit elle amusé.

Karel eu un petit gloussement alors qu'il observait les manipulation du lochrann. Celles ci étaient des plus délicates. Il fallait réarranger les anneaux selon un ordres précis et faires correspondre les runes dans des séquences prédéfinies, qui auraient très bien pu changé si les poseurs de cet artefact avaient réussis à modifier l'objet. Le lochrann espérait juste que les primitif ayant utilisé la chose se seront contenter d'appliquer les méthodes standards, qui dans ce cas, permettront au démineurs improvisé d'utiliser les anciennes séquences de l'époque du Lochrann.

C'est a ce moment des plus complexe et sensible, surement attiré par la présence d'un dragon et la troupe de recherche préliminaire, qu'un individu visiblement conscient de la présence de l'objet ici fit son apparition. En totale opposition en terme de colorimétrie avec Caïn, l'étranger était arrivé d'un passage dissimulé qui s'était glissé dans le sol.

"Blasphémateur! La relique ne doit pas être souillé!" Cela fut les seules mots du guerriers de blancs et d'or avant qu'il ne charge vers Nikaïdo.

Dévôt:

« Non… Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu racontes ? Non, c’est pas possible… C’est pas possible ! Nooooon ! Par tous les dieux noooooooon ! » hurlai-je de désespoir.

Pour la première fois de toute mon existence, pour la première fois que je prenais conscience des choses, mon cœur se brisa. Ce que Wraith venait de nous avouer était tout simplement impossible à concevoir dans mon esprit. Anna, disparue ? Perdue à tout jamais ? Non… Non je ne pouvais l’accepter. Je ne pouvais accepter de ne plus jamais revoir Anna. Non, c’était ma mère, c’était elle qui m’avait recueillie et protégée. C’était elle qui m’avait aimée, choyée et offert une seconde chance. Elle avait été tout pour moi, mon univers, ma mère, ma vie. Pourquoi l’avais-je oublié ? Et pourquoi le sort me l’avait si cruellement arrachée ? Non, je ne pouvais pas l’accepter.

Je m’effondrai à genoux, les larmes inondant mes yeux, puis mon visage. Je sentais mon âme se déchirer… Une partie de moi venait de mourir à tout jamais, une partie que j’avais retrouvé il y a si peu… Et voilà que je devais lui dire adieu. Anna… Non ! Ne me laisse pas ! Je ne suis pas prête. Non… Tout ceci n’était qu’une plaisanterie, une blague de mauvais goût. J’allais me réveiller, me réveiller de ce cauchemar et tout irait bien à nouveau.

« J’t’en pries, Wraith, j’t’en supplies, dis moi que c’est faux ! » l’implorai-je.

Wraith me regarda, puis baissa la tête, impuissant.

« Je suis désolée, Aurore…
- NooOOooOn… » gémissai-je.

Joseph ne prononça pas un mot et me prit dans ses bras, les yeux humides de tristesse. Il ne pouvait rien à mon malheur, absolument rien. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était être là, sans pour autant pouvoir me rassurer, ni me consoler. Il n’y eut rien au monde pour combler ma peine et mon chagrin.

« Papa… Dis moi que c’est un cauchemar, que je vais me réveiller !! Pitié pitié pitiéééé !  
- Je suis désolée ma puce… Je suis vraiment désolée… » me dit-il en me caressant le dos. « Ce n’est pas un cauchemar.
- Noooooooon ! Pitié non ! »

Je m’écroulai à nouveau, incapable de tenir sur mes propres jambes. Tout… Tout était si sombre autour de moi, si flou. Je n’y voyais plus rien, je ne savais même plus où j’étais ni qui j’étais. Je ressentais uniquement la douleur qui envahissait tout mon être tandis qu’une partie de moi ne comprenait rien de ce qui se passait. J’étais impuissante à comprendre, impuissante face à cette terrible nouvelle. Je sentis alors quelqu’un s’agenouiller à mes côtés et me serrer contre elle. Halsim était là, avec son parfum d’épice et de fleurs d’Uruk. L’espace d’un instant, cette odeur me rassura, me réconforta, avant que je ne me mette à nouveau à sangloter, puis pleurer alors que la sensation dans ma poitrine s’intensifiait, comme si on m’avait arraché le cœur.

« Je suis là, Aurore… Je serais là pour toi. Je te quitterai plus, petite chipie… »

Je sentais un léger trémolo dans sa voix. Elle aussi était terriblement déchirée par cette perte affreuse. C’était… insoutenable. Je n’arrivai pas… Je n’arrivai pas à soutenir ça. Je ne pouvais pourtant pas la repousser et lui dire de ne pas ajouter sa peine à la mienne, ça aurait été horrible de ma part… Je me contentai de la caresser en retour tout en pleurant à chaudes larmes. Pour la première fois, je vis le visage d’Halsim exprimer autre chose que de la colère, du mépris, ou de l’indifférence. Elle pleurait, elle pleurait ouvertement, les lèvres crispées dans un rictus pour ne pas gémir de toute sa peine…

« Halsim… Oh… Halsim… » gémis-je.
« Chuuut ! Là, je suis là… » bredouilla-t-elle.




Je restais là, devant la tente pour m’assurer qu’aucun curieux ne vienne briser la discrétion du drame familiale qui se déroulait derrière moi. Inutile d’entendre les cris et les pleurs d’Aurore pour deviner à quelle point la situation était dramatique. Je sentais dans la trame de leurs âmes un profond bouleversement, une déchirure telle que je savais qu’elles en seraient altérées à tout jamais. Le plus dur, c’était de rester là, alors que ma petite sœur fondait en larmes, de rester impuissante à son désarroi. Je doutais pour autant que j’aurai pu changer quoique ce soit par mes mots ou ma présence. Rien… Rien ne pourrait alléger la souffrance qu’Aurore et les autres étaient en train d’endurer actuellement. Je n’aurai même pas pu servir de béquille émotionnelle, la douleur était trop intense.

J’avais cependant du mal à rester impassible, et mon esprit était torturé par cette inaction de ma part. Je regardai autour de moi, cherchant quelque chose pour m’occuper l’esprit et ne pas trop y penser, quand je remarquai que Hellébore était devant moi, à me regarder avec le plus profond désarroi. Elle aussi avait senti ce qui se passait ? Sans aucun doute, j’avais senti sa sensibilité, cette espèce d’empathie qui était autant un don magique qu’une capacité à lire les émotions sur les visages et les mimiques d’autrui. Archibald avait beau être là pour tenter de la rassurer, cela ni faisait rien. Je m’approchai de quelques pas et fit signe à la petite mage de venir. Elle sembla étonnée de me voir ainsi la fixer et fut réticente en premier lieu. Elle n’osa pas approcher alors j’insistai tout en manipulant la trame pour influencer légèrement sa décision.

« Approche. »

Elle finit par passer outre son hésitation et approcha.

« C’est très difficile pour Aurore, et tu le sais, tu le sens, toi aussi, n’est-ce pas ? »

Elle ne me répondit pas, elle hocha simplement la tête, d’une mine abattue. Je soupirai, ravalant difficilement ma peine avant de prendre Hellébore dans mes bras. Nous nous serrâmes toutes les deux, essayant de nous réconforter mutuellement. Elle sentait que j’en avais besoin et réciproquement.

« Je crois qu’elle aura besoin de nous après cette épreuve… Mais pour le moment, j’ai bien peur que nous ne lui soyons d’aucun réconfort…
- Est-ce que tu sais ce qu’il se passe ? » me demanda-t-elle avec la gorge serrée.
« J’en ai une vague idée… Mais… Je crois qu’Aurore et les autres viennent d’apprendre la perte d’un proche, un proche qui leur était très important…
- Je le sens aussi… »

J’eus un léger pincement au cœur en l’entendant dire cela et la serra doucement contre moi. Nous n’avions plus grand-chose à faire à présent que d’attendre, attendre dans l’incertitude. Lorsque Aurore ressortirait de là, avec ses proches, elle ne serait plus tout à fait la même que celle que j’avais connu. Je savais que son âme serait désormais barrée d’une profonde cicatrice que seul le temps permettrait d’atténuer sans pouvoir l’effacer.




Il m’avait été donné de voir tellement de drame de ce genre là durant toute ma longue vie, une vie si riche en événements qu’il était tout à fait impensable que je n’eus connu que peu de ces choses là. Pourtant, encore aujourd’hui, mon cœur de vieux bonhomme était meurtri de voir tant de peine se dérouler devant moi. Ah… Si seulement j’avais pu, par le biais de ma magie et de mon art, leur ramener leur mère… J’aurai donné n’importe quoi au monde pour voir ces enfants heureux et sourire à sa vue. Je n’avais hélas, malgré toutes mes capacités et celles de mon vieil ami, rien pu faire pour régler ce problème. Ce n’était pas faute d’avoir essayé. Amos avait même user de son don d’élu du temps pour tenter de ramener cette femme à un état précédent, à un temps où elle fut une personne et non pas un amas de haine et de souffrance. Quelque chose avait brisé l’âme d’Anna et avait fusionné avec elle de telle sorte qu’il avait été impossible de dissocier les deux. Il n’y avait plus que la colère sourde et froide de cette entité sans nom qui ne désirait qu’une chose : être au service de la guerre et de la mort. Anna avait complètement disparu dans cette chose, et même en faisant reculer le temps, Amos n’avait réussi à l’en sortir et à défaire ce qui avait été fait. Nous fûmes impuissants…

Mais là où je me sentais encore plus impuissant, c’est en voyant le regard désemparé de Tyr, et en entendant les cris de peine déchirants d’Aurore. Mes petits… Mes braves petits. Pourquoi fallait-il que vous enduriez toutes ces peines ? J’aurai donné ce qui restait de mon corps pour vous apporter la paix, mais je savais bien que cela était désormais impossible. Quelle tristesse… Quelle profonde et terrible tristesse que de perdre un parent. Incapable que j’étais à les regarder pleurer sans rien dire, je finis par m’approcher d’Aurore et Halsim en les prenant toutes les deux par les épaules.

« Allons… Allons… Venez là, mes petites… Je sais ce que c’est… Oh oui, je sais… Venez près de papy Glendor.
- Qu’est-ce que vous en savez ? » pesta la célestienne à la peau mate.
« Allons… Vous pensez qu’en plus de deux cents ans d’existence je n’ai perdu personne ? Je ne dis pas que j’ai vécu les mêmes choses que vous, mais je sais…
- E… Excusez-moi… Je…
- Je sais… Vous souffrez et vous réagissez comme quelqu’un de profondément blessé, et c’est normal. Je ne vous en veux pas, Halsim. Je crois que je ferais mieux de vous laisser entre membre de la famille à présent.
- Non ! Attendez ! Je… Non… Vous… On verra ça plus tard. »

Je sentais que cette femme brûlait d’envie de voir l’arme spirituelle forgée avec l’esprit qui avait autrefois était en partie la femme qu’elle pleurait actuellement. C’était, sans doute, bien naturel, mais c’était un peu comme pour ces personnes qui voulaient absolument voir le cadavre d’un proche alors que celui-ci était dans le pire des états.

« Halsim… Vous devriez garder l’image que vous avez d’Anna… Ce qu’il en reste… S’il en reste quelque chose, n’est pas bon à voir. Oubliez cette idée… »

Elle ne répondit rien. Aurore ne pipa pas un mot non plus, trop déboussolée et trop souffrante pour avoir l’esprit à cela. Elle aurait sans doute voulu constater par elle même qu’il n’y avait plus rien à faire, mais sut été sans doute la pire chose à leur faire voir. Je quittais la tente avec le cœur lourd, le cœur d’un vieil homme incapable de soulager la tristesse d’une famille.

Wraith pleur dans mes bras. C’est un dragon divin, sorcier des dimensions etcetera etcetera… Et là on dirait juste un père et un fiancé en deuil. Je l’entoure littéralement, mon dragon Xen est si petit et menu… Avec un cœur si fragile. Et pourtant il a enfin trouvé la force de nous le dire. Même si… Du fait qu’elle ne soit pas là je m’en étais douté. Enfin… Qu’on ne l’a reverra pas. Le choix de la transformer en arme spirituel ça… C’est un peu une surprise. Mais si ce n’est plus elle alors ce n’est qu’une force vide. La force d’Anna résidait dans son cœur. Pas comme Wraith, ça oui… Mais disons que comme lui il était le moteur de ses agissements bien qu’il soit sombre et tortueux. Cela fait bizarre de voir Wraith dans cet état même si… Bon, il est sensible et se fait vite des nœuds au cerveau. Mais d’avoir son père dans ses bras comme ça… .

C’est un peu étrange.

Je passe ma main dans ses longs cheveux blonds et m’arrête vers là où commence ses ailes de manière un peu automatique tout en regardant les autres. Même Glendor est en plein désarroi. Je m’étonnes aussi d’Halsim, je ne savais pas qu’elles étaient si proches qu’elle la pleurerait. Halsim n’est pas quelqu’un que l’on peut facilement atteindre au cœur. Tout comme l’était Anna, il est bien gardé. Pas comme Wraith et Reb-Aurore. Le vieil homme nous laisse et les deux femmes continuèrent leurs larmes tout comme Wraith.

Pourquoi ne pleurais-je pas ? J’ai bien les yeux humide et tout mais ces coups de poignards dans mon être ne me font pas pleurer. Ai-je trop été habituer à ravaler mes larmes ? Ou bien ne suis tout simplement pas fait pour pleurer ? Du moins en communion ? Peut-être pleurerais-je seul ? Peut-être ce soir ?

J’ai l’impression que ma tête se dissocie de mon état.

Je ne sais pas.

J’ai envie de pleurer pour faire comme les autres mais je n’y parviens pas. Je force un peu mes yeux mais c’est redevenu sec. Peut-être que je ressens rien et que ces coups de poignards sont que le ressenti de Wraith ? Pourquoi sommes-nous liés à ce point ? C’est seulement moi ou bien tous le monde ? Être auprès de Wraith m’avait manqué. J’avais l’impression qu’une partie de moi était loin.

Je ne sais pas quoi faire. Quoi tenter pour consoler les autres puisque j’ai l’air de rien lâcher. Je ne suis pas normal ça je le sais. Je ne savais cependant pas à quel point. Peut-être que ce quelque chose qui se brise en eux s’est déjà brisé en moi depuis longtemps ? Que je n’ai plus de larme à faire couler ? Je ne sais pas.

Ma colère monte encore, petit à petit telle l’araignée qui grimpe au plafond, silencieuse et déterminée. Wraith, par sa présence, ralenti l’affaire mais je sens que je vais exploser lorsqu’il sera parti.

J’ai pas envie qu’il parte.




Je sens comme un vide et même penser c’est complexe. Parfois je ne sais même pas quoi penser alors quoi faire ! Il y a de toute façon rien à faire car rien ne peut que soulager la douleur de la perte d’un être chère à nous yeux. Rien du tout. A part le temps. Et quand on pense à elle des moments joyeux ressortent certes mais surtout de la nostalgie, de la mélancolie.





Pfft’…




On s’est vraiment fait baisé comme des merdes sur ce coup-là.

Quels ont été ses derniers instants à Anna ? C’est vrai que personne sauf lui je crois sait ce qu’il s’est passé à la toute fin. Est-ce qu’elle était entrain de combattre les Nërys ? D’autres démons d’Özan ? Ou bien protégeait-elle Grégoire et sa famille ? Ou alors la notre ? Je ne me souviens même pas l’avoir vu rentrer ! Était-ce le cas ? L’avions-nous vu rentrer de Samdal’Han ? C’est effroyable de ne pas savoir ! Mais je n’ose pas lui demander. Il nous cache à tous nos derniers moments sur Arca’. Sûrement a-t-il de bonnes raisons mais il ne va pas donner les derniers moments de vies d’Anna comme ça. Il va rien lâcher. Même si ça nous avancerait à rien de le savoir. Après tout qu’importe non ? De savoir comment était le dernier souffle de vie d’une mort ! Cela ne va pas la ramener.

Peut-être qu’elle nous protégeait Rebecca, Sylvester et moi ? Ou bien Wraith pendant qu’il est envahit de la puissance des dieux ? De toute façon ça ne sert à rien d’y penser !



J’y pense quand-même ! Mais ça va le blesser si je lui demande et il est déjà suffisamment mal comme ça. Je devrais me concentrer sur autre chose comme… Hum… Comment les réunir tous les trois ? Il ne peut pas rester éternellement prostré dans mes bras. Je prends ses mains et recule un peu  en essayant d’être le plus doux possible et avec une certaine fermeté.

- Oh pardon Dew- Tyr… Tu ne veux peut-être plus…

- Nan c’est pas ça.

- Ah ! Parce que… Je peux comprendre que tu-

- C’est pas ça.

Je me décale pour qu’il voit Aurore et Halsim et il comprend. Il me regarde, ayant comme un doute sur s’il pouvait les approcher. Ben j’vais pas leur laisser le choix, je les prends tous en les mettant ensemble. Cela les surprend mais ils se laissent faire sans se poser de question. Après tout, pour eux, ce n’était plus l’heure des questions. J’aimerai déjà me sauver. Je ne saurais dire pourquoi, je crois que j’apprécie la compagnie des autres mais à petites doses. Cependant, il va bien falloir que je sois présent pour eux non ? Déjà, j’étais certain que je ne partirais pas de suite de cet endroit. Là… Et c’était un peu une crainte, je ne veux plus repartir. Il y a Aurore, Halsim et Wraith. Manque Sylv’ bien sûr et Anna. Mais Anna, on sait à présent qu’il n’y aura plus de réunion de famille avec elle.




Et Sylvester ?

- Et Sylvester ? Dis-je. Il est toujours là-bas ?

Wraith me regarde avec surprise puis il peine à articuler en essayant deux ou trois mots. Il sort un mouchoir de sa poche et en donne également aux filles. Il m’en tend un et remarque que je n’ai pas de morve sur mon visage. Il met alors le bout de tissu dans ma main puis après s’être mouché il me répondit.

- Sylv’ va bien. Sniff’…  Je l’ai confié à ma sœur spirituelle Morianne. Herm… Ils sont à Celtia. Je… J’étais retissant à l’idée de cette nouvelle vie à Midgard. Il ne peut pas choisir pour lui-même, il était trop petit. Mais j’ai souhaité qu’il vive, qu’il puisse grandir. Alors Morianne m’a proposé de l’élever alors j’ai accepté. Il a longtemps été sous forme astral avant que je me décide mais cela fait quelques années maintenant. Il ne pouvait pas rester sous cette forme à jamais et je peux compter sur elle pour prendre soin de lui. Il est un peu différent des autres enfants, c’est un petit dragon qui peut se transformer sous forme humaine comme moi. Il ne maîtrise pas encore toutes ses capacités mais il est prometteur. Mais cela doit rester un secret vous comprenez… Un enfant Draganoti conçu ainsi c’est un peu inédit. Caché là-bas il ne peut pas lui arriver malheur.

Je reste un moment silencieux, le temps que tous le monde digère l’information.




- En voilà une grosse poussière ! Fais-je à Blàra en haussant un cil habillé de mon authentique sourire malicieux.

« Un jour, à la Citadelle de l’Ordre.

Des ecchymoses constellait son corps de jeune homme qui suait à grosses gouttes. Se maintenir sur ses jambes qui lui paraissait lourde était un supplice. Des cheveux en bataille dont un reste était encore rassemblé dans un ruban noir pendant lâchement le long de son corps tressaillant légèrement. Un corps haletant dont tous ses muscles étaient contractés au maximum. En plus de son vêtement d’entraînement plutôt classique à Amaterasu, le jeune renard était paré d’un étrange collier en or et en gemmes de Lumoria « modifiée » et l’on pouvait voir des sceaux et des runes. Cela n’avait rien à voir avec une quelconque envie d’être plus extravagant. Ce n’était d’ailleurs pas la fonction d’un tel dispositif. Un collier que l’on pourrait qualifier de muselière et qui pesait son poids ! C’est à dire, trop gênant pour être agréable et trop intrusif pour être oubliable. Nikaïdo venait de battre ses adversaires, le visage triomphant et l’allure de vainqueur. Son habit d’entraînement d’un gris chaud était parsemé de rouge ci et là mais cela ne semblait pour le moment pas lui faire perdre le sourire. Son sourire que portait ses lèvres ne tarissait pas malgré les vives douleurs endurées. Le renard blanc ne regardait même pas ses adversaires au sol car il accordait bien plus d’importance à celui de son mentor et père : le capitaine Magnus Von Wasmeier.

- C’est bien mais tu as trop traîné. Lui avait-il dit.

Le renard en était resté pantois.

- Tu progresses et je vois que le collier à tenue bon.

- Ouai, ton stupide machin est lourd et il pique ! Lui avait fait remarqué le jeune homme. Je ne vois pas vraiment comment je peux me retrouver sans pouvoir à devoir me battre contre des connards qui en veulent à ma vie.

Le sourire du jeune Nikaïdo s’était perdu, il s’attendait qu’à des compliments et non pas à ce jugement-là.

- La plupart des tiens ont aucun pouvoir et pourtant ils survivent bien. Si comme tout être pourvu de magie tu te concentre uniquement sur cela pour ta survie alors tu crèveras vite. Tu as la chance d’être pourvu de la force et la vigueur de tes compères mais aussi de magie du feu alors sers-toi des deux.

La voix de Magnus était et est toujours calme, posé mais très ferme. Sa posture ne laissait aucune ouverture. Son regard était et est toujours moins fermé lorsqu’il s’agit de Nikaïdo et contrairement à ce que l’on pourrait penser, il s’est attaché à cet insolent petit renard blanc.

- Je sais ! Je connais la chanson. Mais quand-même...T’abuses ! Je ne serais pas toujours le cobaye de vos bidules. Je ne vais pas rester un simple soldat. Surtout que les simples soldats bah ils ne se font pas des entraînements où tu te vides de ton sang sur tes partenaires.

- A ce propos… Petit Wasmeier… Vous pouvez ne plus m’écrabouiller ? Avait fait une petite voix sous Nikaïdo.

Le renard s’était promptement exécuté, ayant oublié qu’il tenait en respect un collaborateur Fera. Cela lui avait plu. Mais le Fera renard avait laissé sa proie pour regarder une autre personne : la soigneuse. Elle avait guérit leur blessures respectives et restauré leur énergie à chacun avant de se concentrer sur Nikaïdo. Comme à son habitude, elle l’avait scruté pour détecter d’éventuels problèmes soient liés à l’engin apposé à son cou soit tout autre chose. Et avant que l’on puisse s’imaginer quoi que se soit, le Fera renard n’est pas très adepte de femmes au moins deux fois son âge. C’était de ces journées où le jeune Von Wasmeier était poussé à donner son maximum, à se dépasser, voir même dépasser ses propres limites. Mais ce jour-là il était tout de même content car il avait vaincu et cela sans magie. »

Je ne sais pas trop à qui j’ai affaire mais il est certain que ce con-là ne veut pas qu’on touche à ce bidule qui est censé être à Caïn. Enfin si j’ai bien suivi. Et comme je suis plutôt d’avis de laisser l’expert s’occuper de son engin et que l’autre taré me fonce dessus, je vais donc le combattre. Et puis ainsi je vais pouvoir en mettre plein la vue à miss Blàra ! Ainsi qu’à Karel qui va raconter mes exploits à Aurore ! Hé hé hé !

J’en souris d’avance, me défendant contre la pitoyable attaque de ce type qui allait faire un truc mais se ravisa. J’en profite pour abattre mon coup d’épée sur lui et je dois admettre qu’il se défend. Nous échangeons quelques coups, des esquives de ma part et des encaissements de son côté. On va lui faire le coup de l’homme ivre ! De manière erratique, sans schémas puisqu’il semble en connaître, je parviens à percer sa garde en « trébuchant » avant de remonter sec. La pointe de l’Infaillible a dégagé son arme vers les haut et avec une fine et petite lame dissimulé grâce à mon Haori, je l’ai embroché par l’aisselle. Je laisse la petite lame sans vrai fourreau dedans, remet de la force dans mon mouvement de rotation avec le Katana pour venir lui trancher le cou de très près.

- Fourberie d’hérétique… !

Soudain il allait me saisir par le col mais je me suis reculé à temps. L’homme encapuchonné se tient la gorge tout en maugréant je ne sais quoi. Puis tout à coup, alors que l’on entendit un cliquetis vif de l’engin de Caïn, les yeux de l’inconnu se mirent à luire. Je ne lui laisse pas le temps de faire quoi que se soit que je m’acharne sur lui et son armure de qualité pour le terminer. Tout à coup, un « clic » provenant de l’intérieur de l’homme.

Spoiler: